Une lettre

Cher.e Toi,

Comment vas-tu ?

J'espère que tu profites bien de ce premier jour de déconfinement. C'est assez paradoxal, maintenant que je n'ai plus beaucoup de temps je décide de t'écrire. Ou peut-être est-ce parce que le retour au principe de réalité et à la temporalité habituelle me fait ressentir à nouveau ce besoin d'évasion, de jardin secret ?

Quoi qu'il en soit, me voici. J'essaye de t'écrire sans réfléchir, parce que si je commençais à me relire j'effacerais probablement tout.

Je me demande ce que nous avons en commun, toi et moi. Comment nous pourrions nous serrer les coudes (ceux-là même dans lesquels on aurait toussé, oui c'est dégueu, mais chut).

J'écris ici alors que je n'ai jamais été diagnostiquée officiellement, mais je compte y remédier. Que je sois HPI ou TDAH, peu importe je crois. Ce qui compte ce sont tout ces comportements que j'ai et que j'observe et qui font que je ne me sens pas adaptée à ce monde. Au monde des humains du moins.

Pourtant ça devrait être facile : je travaille dans le social, dans une super équipe. Je peux parler de tout, de mes difficultés. Je suis plutôt extravertie. Je me fais facilement des ami.es. J'ai une bonne capacité d'analyse.

Et pourtant... je suis très impulsive, ce qui ne me rend pas assez à l'écoute des autres bien que je sois empathique. Je coupe souvent la parole ou parle en même temps que des personnes car je cherche à savoir ce qu'elles vont dire. Je suis étourdie à l'extrême. Tout ce qui est concret me pose problème : ouvrir une porte, savoir dans quel ordre faire une action... J'ai du mal à savoir quand parler, quoi dire si ça n'est pas quelque chose d'intense. J'ai tendance à m'adapter aux personnes que je côtoie au point de finir par blesser des gens par manque de positionnement clair. Je suis très lente et je comprends souvent ce qu'on me dit de travers : si je n'ai pas tous les éléments quand on m'explique quelque chose, je ne vais pas comprendre.

Je connais beaucoup d'hypersensibles qui s'en sortent, mais je me sens parfois terrassée.Épuisée. Tiens, je me compare. Ça aussi, c'est assez merdique. Cette comparaison est au coeur de mes angoisses. Des angoisses liées à l'estime que j'ai de moi-même, à ce sentiment de panique interne qui surgit. Un sentiment de culpabilité, aussi. Je ne me sens pas lunatique et pourtant quand je prends du recul, je réalise que je suis sans cesse submergée par mes émotions. Qu'elles me coupent des autres autant qu'elles peuvent m'en rapprocher. Se rapprocher de l'humanité au prix de s'éloigner des humains. Est-ce que tu es angoissé.e, toi ?

Tu sais beaucoup de choses sur moi maintenant. Des choses sur lesquelles j'aimerais que tu m'aides un peu... en partageant ton vécu, peut-être. Il y a du positif aussi, bien sûr. Lié à ma personnalité. Mais j'avais, je crois, envie de te parler du négatif pour l'extérioriser et le relier non plus à "moi", à qui je suis réellement mais au fait d'être HP, TDAH, hypersensible...

Car tu sais, parfois on a moins peur de quelque chose et on le comprend mieux lorsqu'on le prend comme un symptôme, un handicap...

J'ai vraiment hâte de te lire. Et qu'on parle de choses plus légères bien sûr.

Tiens, je te mets cet album apaisant que j'ai écouté pendant l'écriture, et qui a surgi dans mes suggestions : voir la vidéo
C'est un heureux hasard car je suis déjà allée à Barcelone pour voir cette fameuse Sagrada Familia qui est en photo. C'est un lieu tellement grandiose qu'il a changé les paysages de mes rêves pendant un bon bout de temps !

Je t'embrasse et te souhaite de profiter du déconfinement pour savourer, par petites bouchées, ce merveilleux goût de la liberté reconquise.