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Bribes de vie, souvenirs de moments précieux

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Bribes de vie, souvenirs de moments précieux
Nuitetoileele 01 août 2023 à 11:53

Bonjour à tous,



Je me permets d'ouvrir ce sujet afin d'y partager quelques souvenirs et quelques moments quand je ressens le besoin de les écrire. D'habitude, je fais ça sur papier, parce que l'écriture (cathartique) manuscrite est mon médium préféré, mais des fois, ça vient beaucoup plus facilement au clavier. De plus, ma psy m'a dit que j'avais un certain talent pour l'écriture et que je devais en faire quelque chose, alors autant en faire profiter du monde. Je ne recherche pas la critique littéraire, j'ai un style qui peut ne pas plaire et je l'accepte sans problèmes. Mais des fois, être lue, ne fut-ce que par des inconnus, ça fait du bien.
Je ne me réserve pas ce post, donc si vous aussi avez quelque chose à partager, un souvenir, que sais-je, n'hésitez pas à écrire à ma suite.

Si ce post n'est pas à la bonne place, que les admins ne se gênent pas pour le déplacer là où il faut ;)

Ce jour-là, il faisait tout gris. Je jetais de temps en temps des regards inquiets au ciel plombé et menaçant, espérant qu'on allait pas se prendre la drache tout de suite. Il nous restait tout de même une bonne heure de marche pour redescendre en ville. Tu avais apprécié la balade au lac et tu n'étais même pas fatigué de l'ascension pour l'atteindre. J'étais plutôt rassurée de ton état, car je craignais que la montée n'eût épuisé toutes tes forces et que tu ne te sentes pas capable de faire le chemin inverse. Mais tout allait bien. Tu allais bien depuis les trois jours où tu étais ici, avec moi.

Une petite bourrasque nous fouetta le visage, faisant voler tes cheveux dans tous les sens. Je retirai mes gants et te tressai les cheveux, pour que tu ne sois plus embêté. Tu te laissas faire patiemment, en contemplant avec nostalgie le lac tout gris. Je m'appliquai à te coiffer comme j'aimais tant le faire, puis je t'informai qu'il était temps de rentrer. Je rêvais d'une bonne douche et d'un chocolat chaud, mais j'avais encore quelque chose à te montrer.
"On va prendre celui-là pour redescendre", dis-je en t'indiquant une route goudronnée qui partait sur la droite.
Nous traversâmes le parking uniquement peuplé d'un camping-car de Hollandais et prîmes la petite route qui redescendait en ville. Au bout de quelques centaines de mètres, je te pris la main et t'entraînai sur le côté, vers la forêt.

"Il faut que tu voies ça", te dis-je simplement sans plus d'explications.
Le début de la forêt ressemblait à un champ de bataille. Le sol, complètement retourné, était jonché d'arbres coupés, de branches mortes et surtout de détritus laissés par des touristes peu scrupuleux. Tu grimaças, te demandant bien ce que je voulais te montrer là.
J'enjambai un tronc et te fis signe de me suivre. Après quelques minutes de slalom entre les cadavres végétaux, nous arrivâmes dans ma partie préférée de la forêt, qui s'étendait en contrebas.

Tu te fendis d'un grand "Hhhhhoooooo !" de surprise et d'émerveillement, comme à chaque fois que tu découvrais quelque chose d'extraordinaire. Je m'attendais à cette réaction, évidemment, mais je ne pus m'empêcher de froncer les tympans, car j'ai toujours du mal avec les gens qui haussent la voix trop près de moi. "La voilà, ta forêt recouverte de mousse", déclarai-je avec un sourire en coin. Ton regard un peu incrédule passa du paysage qui s'étalait devant nous à moi, qui te regardais tendrement. Je t'avais tellement vanté la beauté des forêts d'ici, des mousses verdoyantes et des épicéas, mais tu avais toujours eu du mal à t'imaginer que ce fut vrai, tellement c'était différent des forêts de chez toi.

Les pluies récentes donnaient aux végétaux des nuances de vert incroyables, presque fluorescentes par endroits. Le conraste formé avec le ciel gris et les arbres mors, d'une couleur foncée indéfinissable, était saisissant. Je te l'avais déjà partagé en photo, mais aucune image n'avait jamais réussi à rendre aussi bien la beauté du lieu.

Je pris à nouveau ta main glacée dans la mienne et nous dévalâmes le talus moussu. Nos pieds s'enfonçaient dans le tapis moelleux pour ton plus grand plaisir et nous arrivâmes au coeur de ce que tu considérais comme un véritable paradis. Je te laissai découvrir cette forêt que je connaissais déjà bien, pour être moult fois venue y cueillir des chanterelles et des cèpes. Mais en cette fin de novembre, c'était trop tard pour les champignons. Les premières gelées s'en étaient déjà occupées.

Je te couvai amoureusement du regard tandis que tu explorais ton environnement avec une curiosité inextingible. Tu ne savais plus où donner de la tête, tant tout t'émerveillait. Tu pris à pleines mains les sphaignes pour t'imprégner de leur odeur, caressas du bout des doigts les lichens sur les arbres pour apprécier leur texture. Tu aimais tout particulièrement les longs verts, qui recouvraient les branches mortes des sapins, donnant l'impression d'une chevelure végétale.

Mon homme de trente ans, obsédé par l'âge, était redevenu un enfant. Mon bel aliéné, à l'esprit sans cesse taraudé par des pensées compulsives, avait enfin lâché prise.

Tu ne faisais qu'un avec la nature. Tu étais dans ton élément. Tu étais heureux. Heureux comme je ne t'avais jamais vu l'être.

Soudain, les vannes du ciel s'ouvrirent toutes grandes et nous ramenèrent à la réalité. Enfin, surtout moi. Toi, tu adorais la pluie, et cela décupla ton enchantement. Je pestai intérieurement, maudis la météo, mais pourtant je restai là avec toi. Trempée jusqu'aux os et grelottante, j'acceptai silencieusement la punition céleste. Te voir aussi heureux valait bien toutes les draches du monde.

Vellaunele 01 août 2023 à 23:02  •   101256

On ne peut pas mettre de "👍", mais j'aime bien, c'est pas mal 😉

Pennyle 01 août 2023 à 23:37  •   101262

C'est un enchantement, @Nuitetoilee, je me suis laissée entraîner dans le 💚 de ton royaume avec ravissement.
Merci pour la ballade.

Je voudrais pouvoir en faire autant. J'essaierai avec plaisir plus tard.

boulle 02 août 2023 à 00:01  •   101265

joli boulot, merci 😉

Nuitetoileele 02 août 2023 à 12:50  •   101285

On s'était fait des serments. Les plus beaux, les plus symboliques qui soient.
J'ai pris ton couteau préféré et je t'ai entaillé la paume de la main. La gauche, la main du coeur. J'ai entaillé à travers ta ligne de vie, pour signifier mon passage dans la tienne. Je n'y ai pas été trop fort, parce que j'étais incapable de te faire du mal. Et surtout, il fallait que ça guérisse rapidement, pour ne pas que tu sois trop handicapé pour dessiner ou jouer de la musique. Tu m'as gentiment lacéré la peau au niveau du coeur. Puis tu y as apposé ta main mutilée et nos sangs se sont mêlés. Et c'est ainsi qu'on s'était juré fidélité pour l'éternité.

On avait décidé de se marier au printemps. Je ne suis pas croyante, donc je n'avais aucune légitimité pour t'épouser à l'église. Je ne voulais pas non plus d'une union civile à la commune, trop administrative. Et puis qu'importait d'avoir nos noms côte à côte dans un registre ? Ce n'était pas ça qui symboliserait notre amour qui nous unissait. Je voulais t'épouser par amour. Pour sceller notre union, et symboliser l'amour pur, sincère et passionné qui nous unissait.

Alors, on avait décidé de faire ça dans une vieille chapelle au fond des bois. Ou dans une jolie ruine en pierres grises, envahie par le lierre. Il y en a profusion par chez toi, le plus difficile aurait été de choisir la plus belle. On n'aurait pas fait de grande cérémonie. Moi je n'aurais eu personne à inviter. Toi, tu aurais pu inviter qui tu voulais, je te faisais entièrement confiance, car je savais que le nombre aurait été très restreint. De toute façon, je n'aurais jamais accepté de me donner en spectacle devant un trop grand nombre de personnes (à savoir supérieur à 5), et toi non plus.

Tu aurais porté cette chemise en lin écru, avec un lacet à l'encolure, qui t'allait si bien, et que j'aimais tant te voir porter. Un pantalon de lin foncé pour le bas, et tu aurais été parfait. En toute simplicité, sans fioritures. J'aurais porté une robe longue en lin également, avec des fleurs brodées à la ceinture. Je vois dans ma tête exactement ce que je veux. Et si je ne l'avais pas trouvée, je l'aurais faite moi-même. Normalement, le marié n'a pas le droit de voir la robe de sa femme avant le grand jour, mais ce n'est pas grave. Je sais que tu aurais adoré me voir la coudre et la broder moi-même.

Je t'aurais laissé me tresser des fleurs dans les cheveux. Tu aurais adoré faire ça, et sans doute me l'aurais-tu proposé de toi-même.
Tu m'aurais passé la bague au doigt, un anneau d'argent bien sûr, car on n'aime pas l'or. Je n'en ai jamais porté, car tu sais que je n'aime pas le contact de choses métalliques sur la peau, mais là, j'aurais bien pu faire une exception. Pour la symbolique. On se serait unis de la plus belle et de la plus simple des manières. On serait retournés dans la temporalité parallèle dans laquelle on aurait dû vivre tous les deux. Une époque douce et pleine de simplicité, loin de la décadence et du progressisme du monde moderne. Un mélange de 1883 et de 1956 ...

Sandcoeurle 02 août 2023 à 13:01  •   101287

Merci pour le partage

Vellaunele 02 août 2023 à 15:03  •   101292

@Nuitetoilee... Souvenirs, tu parles de lui au passé... Imaginaire ou bien n'est-il plus ?

boulle 02 août 2023 à 21:07  •   101304

@Nuitetoilee intrigant, très bien

Nuitetoileele 03 août 2023 à 12:03  •   101332

@Vellaune : quelqu'un qui fut, réellement, mais qui n'est malheureusement plus.

Vellaunele 03 août 2023 à 19:47  •   101358

Courage à toi @Nuitetoilee, cela semble avoir été de bons et beaux moments de vie...


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