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Ça y est, il se passe des choses à l'extérieur, les restrictions s'estompent, les gens veulent voir des gens, être stimulés par de la créativité et du renouveau après cette période sèche, le monde prosaïque se fait envahir par la poésie qui s'immisce là où elle le peut, de la plus douce et sensuelle à la plus exubérante. Et les liens se renouent.
Ce soir, j'ai ouvert une grande bouteille de bière forte alors que je suis seul. Ça ne m'arrive jamais, c'est peut-être la cinquième fois dans ma vie que je bois seul (c'est même pas sûr, c'est un maximum approximatif). J'ai eu envie de trinquer en regardant Captain Fantastic, quand cette famille de déjantés célèbre le Noam Chomsky Day, grand moment de cinéma. À la tienne Noam !
Et j'ai envie d'écrire, de vous écrire. J'ai pris du recul avec Apie mais je ne vous laisse pas tomber.
Dimanche dernier : il fait beau, je me promène dans Wazemmes, quartier popu et vivant de Lille. Trois fois, je croise des gens habillés de noir et orange pétant, instruments sous le bras ou dans des poussettes. Je décide sans réfléchir de suivre le dernier. Au milieu d'une petite rue, des tables sont installées, les convives se rassemblent, la fanfare joyeuse se prépare, je les écoute de loin, je les regarde, c'est beau. Mais un autre concert m'attend.
Au CCL, le goûter bat son plein : des gâteaux vegans succulents, des boissons colorées, d'autres alcoolisées, des sourires sincères, des discussions légères et amusées sur le trottoir ensoleillé, des mômes déguisés. Les musiciens sont prêts, on passe au bar se ravitailler, on s'installe sur les chaises éparpillées dans cette cave-cocon, on est quinze à tout casser, le calme se fait.
Un grand type lance ses machines, du drone, ce style de musique électronique qui balance de grosses nappes graves et grasses, envoutantes, prenantes. Une petite nana à la clarinette basse, presque plus grande qu'elle, enchaine et suit, en douceur. Un troisième larron, à la batterie, frotte, gratte, fait résonner une cymbale à bout de bras sur la peau de la caisse claire. Quarante minutes sans interruption d'une sorte de free-jazz soft, tout en caresse, en bienveillance, suave et chaude. Un moment de grâce.
Des musiciens capables d'une telle écoute, dans une improvisation aussi bien sentie, cela m'inspire. Je m'empare d'un stylo et note en écoutant, en me laissant aller, un vague brouillon de ce que je vous livre ici. Juste quelques griffonages éparses parmi le maelstrom intérieur que cette mélopée évoque en moi, histoire de l'expulser, de le faire vivre à l'extérieur.
Alors, enfin, mes yeux se ferment, mes soupirs se font plus profonds, mon torse enfle jusqu'à doubler de volume, ma tête est tirée vers le haut. Et chaque expiration est chargée de bouses résiduelles dont je me passe volontiers.
Le final voit le drone s'amplifier, exagérer. La clarinette part en souffle continu dans les aigus, tel un chant d'oiseau cherchant à emplir l'atmosphère de ses frêles poumons, et qui y parvient. Les cymbales frétillent, s'exitent, s'ébrouent. Puis tout se calme en un decrescendo paraissant ne pas vouloir se terminer. Mais qui nous repose avec délicatesse dans le monde tangible. Un silence s'impose avant les premiers applaudissements devenant ovation et cris de joie. Merci à eux, à elle.
Le lendemain soir, fête de la musique. Au fond d'une courée à Moulins (genre ça pour les non-nordiques : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/5/56/Cour_%C3%A0_Moulins.jpg/800px-Cour_%C3%A0_Moulins.jpg ), chez un viel ami. Les gens se rassemblent. Il nous en a préparé un bien belle.
En apéro, un one-man-show. Une espèce de gourou, en pagne, le corps grimé de blanc, collier de perles et bracelets en scoubidous, nous assène un texte néo-new-age truffé de vocables pseudo-scientifiques issus de la médecine quantique et autres billevesées post-modernes. Foutage de gueule en règle. Incroyablement bien écrit. Poilade générale.
En hors-d'oeuvre, le fils d'un autre pote, quatorze ans, guitare, boite-à-rythme et chant. Du néo-métal épique, limite jeu vidéo guerrier, parsemé de glam-pop d'ado bourgeonneux. Champion, le gamin, il maîtrise !
En dessert, l'autre pote en question à la guitare jazz-noise et un gars limite difforme (que tu sens bien attaqué par la psycho-pharmacopée), aux textes et au clavier. Un moment Dada assez indescriptible, de la poésie pure dans toute sa splendeur, de celle qui vient du ventre.
Et pour finir, toujours au CCL, jeudi aprèm, un excellent Fernandel : Le chomeur de Clochemerle, d'après le roman Clochemerle Babylone :
"Baptistin Lachaud, dit Tistin, est un marginal qui vit de braconnage et aime lever le coude avec ses copains. Il est naturellement surveillé par le garde-champêtre, mais celui-ci se laisse parfois aller jusqu'à manger avec lui le produit de ses braconnages. L'idée vient à Tistin d'aller à la mairie officialiser sa situation de chômeur et, grâce à l'appui intéressé du maire, obtient de devenir chômeur indemnisé ! Le voilà officiellement payé à ne rien faire en tant qu'unique chômeur de Clochemerle. Sauf que cela n'est pas pour plaire aux habitants du village qui se scandalisent de devoir payer ce paresseux à ne rien faire. Pour échapper à ces reproches, il va rendre de multiples services aux unes et aux autres."
Super drôle. Une bonne subversion d'après-guerre. Ce qu'il se permet de balancer aux bigottes, ça fait envie.
Et tout ça à prix libre (à vot'bon coeur), parce que l'argent ne doit pas être un frein à la poésie.
Allez, je vous laisse, demain, grande journée. Des potes ont décidé que ce sera la journée de l'aubergine et que ce sera chez moi, dans mon jardin. Ils passent au marché et débarque à midi.
À plus.
Tu écris vraiment bien @paradox. Qu'est-ce que j'aurais aimé déguster ce morceau de drone. Je ne connais pas mais moi qui aime l'electro et la clarinette... bref, ou on s'y croirait , ou on aurait envie d'y être. C'est du vécu à fond, qui est super bien retranscrit.
Hey hey @paradox ! J'aime bien ton style. On a l'impression de qe promener avec toi ! Belle plume !
Moi qui suis encore et toujours confinée, je suis sortie grâce à toi.
Merci @paradox 🙂
Bon, ben je vais continuer alors. Parce que moi, j'ai la bougeotte qui me revient. Et le recul nécessaire pour raconter le week-end dernier, plutôt chargé, bonne lecture.
Jeudi, je reçois un sms : concert à la ferme où j'habitais avant, vendredi, le lendemain. Le soir : dilemme, j'y vais-j''y vais pas. Le matin : dilemme avec quoi, t'as quoi à faire aujourd'hui à part rien ?
Midi, métro, bus jusqu'à Bruxelles, train jusqu'à Louvain-La-Neuve. Promenade au quartier de la Baraque et recherche de voiture pour Tourinnes. Je tourne sur le chemin vers chez mon ex. Dix mètres plus loin, elle discute avec une ex à elle. Occurence improbable, coïncidence qui fait sourire. Tout le monde à l'air d'aller, elle nous invite à boire un coup.
Elle continue ses films avec des gens de structures psys sympas (en Belgique, il y en a plus qu'ailleurs) et elle fait un reportage radio sur la trans-identité. Sinon, elle voit plus trop les gens de la Baraque, elle sort pas trop non plus. Elle est bien dans sa bulle. Bref, chouette échange de nouvelles et tout et tout.
Aucune des deux ne va à ce concert.
Tous les trois ravis de se revoir.
Et puis ça bouge, je dois trouver une voiture. Je remonte jusqu'au bâtissoir, une bande est là qui se prépare à partir à vélo et m'en propose un. Non, merci pas pour moi, trop loin. J'aide à tirer une mini-charette pleine à craquer de légumes jusqu'au parking. Derrière l'atelier ferraille, une table à l'ombre, c'est l'apéro. "Ah, oui, moi j'y vais, j'ai de la place... Dans une demi-heure ?". - Parfait !
Je pousse plus loin pour éviter une autre bière si tôt, une pote pousse sa brouette, les courses à porter. "Ah bah, justement, les bières sont encore fraiches". Allez, une demi-heure de papote et hop, voiture.
Arrivée à Tourinnes, concert dans la grande cour de la ferme. Musique sénégalaise populaire moderne.
Bisous aux musiciens qui vont jouer après, je suis venu aussi pour eux. J'ai adoré la dernière fois que j'ai vu. De la chanson française assez délirante, guitare-batterie math-rock vénèr et orgue Hammond jazz-psyché. Mais quand ils m'ont dit qu'il fallait s'attendre à autre chose, le clavier a changé, j'ai crissé des dents. Il était trop fort et la nouvelle est plus pop. Voyons...
Et je suis happé par le coloc avec qui je m'entendais bien. En vrai, il y en avait une autre mais je ne la connais que depuis deux ans, lui, ça fait vingt ans. "Viens voir qui c'est qui fait le bar". Son fils, quatorze ans, et son pote de toujours, nous accueillent avec un majesteux "messieurs".
À la ferme, ça va mieux, les colocs sont sur la même longueur d'onde, ça avance. Ateliers, jardin (assez terrible), et organisation de fêtes, c'est reparti, en douceur, en ne prévenant que par sms au dernier moment, pas trop de monde, pas trop de voitures le long de la route, pas de débordement. Les gens arrivent petit à petit, pas grand monde finalement, mais du beau monde.
Le concert fut effectivement décevant sans être déprimant, y avait de belles choses. Mais la batterie est devenue électronique, tapée par le batteur debout et bidouillant des machines (mais c'est toujours un sacré batteur). Le clavier est pop japonaise, ça change. Et le guitariste est arrivé tarddans les répèts et n'a pas encore vraiment pris sa place. C'était un premier essai. Peu mieux faire, on était tous d'accord.
Quelque peu frustré musicalement, je me tourne vers les discussions houleuses, rigolotes ou passionnées, rencontre avec les nouveaux colocs qui ont l'air bien chouettes, un peu de jeunesse motivée. Et j'ai tenu le bar pour accompagner les trainards parce que plus personne ne pouvait, la jeunesse, ça tient pus l'alcool, pfff.
Jusqu'au lever du soleil.
J'ai bien dormi, seul au dortoir parce que les musiciens sont rentrés à Bruxelles. P'tit dèj de fou, café-joint puis, bière pour appaiser le café. Une journée papote et rigolade, une soirée échange de découverte, souvenirs et rigolade.
J'ai de nouveau bien dormi. Petit dèj plus calme, à deux, et discussions plus profondes sur le ici et maintenant entre les gens et surtout sur les progrès relationnels entre le père et l'ado, ils ont grandi tous les deux. Mais pas que, moi je viens bien qu'il y a encore de sales habitudes qui traîne, elle était d'accord mais ils y travaillent.
Rangement, préparatifs de départ. Je repars avec du pain de la récup'bio, des couques, des tomates, de la confiture et des vinyls qu'ils n'écoutent plus.
J'ai un train à huit heures et il y a une bouffe et une boum au bar du zoo de la Baraque. J'aurai voulu arriver dans l'aprèm, pour les glaces maisons, il fait ça super bien mais il était parti. Mais une heure de bonne humeur m'a contenté. Allez, à plus.
Tu parles ! Train pour Bxl, attendre une heure un bus qui n'est jamais arrivé, l'annulation illuminait les smart-phones de tout le monde. Plus de bus, plus de train. Un coup de fil à un pote pas loin, pas de réponse. Je retourne faire la fête, train dans l'autre sens. J'ai raté la boum, ils devaient finir tôt. Dernière bière et c'est fini. Ils ont un accord avec les voisins, minuit, terminé.
Discussions dehors avec les traînards et moi énervé de cette fin de journée pourri. J'ai bien un plan pour dormir, juste là, en bas, au Talus. Une copine qui n'est pas là qui a laissé ses clefs. "Allez, dernier joint chez moi", qu'i dit, l'autre.
Et là, bonne grosse discussion sur la folie, son rapport aux autres, ses problèmes d'adaptation dans le quartier, la bipolarité de sa copine, son hypersensibilité, son refus de se soumettre à l'absurdité, ses énervements. Bon, ben moi, je peux pas m'empêcher, je leur dit calmement ce que je pense de tout ça, je leur ai fait du bien en disant ce qu'ils avaient besoin d'entendre pour être rassurés mais aussi en les convainquant et les persuadant de travailler sur eux-même. J'ai même parlé de ma douance, rareté mais pour appréhender le décalage, ça a bien marché.
À lui, qu'il trouve d'autres solutions que celles qui marchent pas, à elle que les étiquettes enferment et qu'elle ne doit pas attendre de la psychiatrie qu'elle se connaisse mieux et lui permette d'appréhender la vie avec plus de sérénité. En tout cas, en ce moment, le régulateur d'humeur fait son effet.
Ça a été long, houleux et assez réussi. Il m'avait fait venir pour ça, et même réveillé sa copine quand on est arrivé. Je ne les ai pas déçu. J'espère qu'il en reste quelque chose le lendemain. Et qu'ils en discutent après coup. J'avais dit que j'arrêtais mais non, j'ai de la resssource, ceci dit ça n'aide pas pour la gueule de bois, cette fatigue relationnelle quand je m'implique à ce point.
J'ai bien dormi, pas longtemps. Un grand verre d'eau, train pour Bxl, train pour Tournai, mais la correspondance arrive trop tard pour l'accupuncture à Lille. Vache d'annulation de bus à la con.
Mine de rien, j'ai quand même porté des sacs assez lourds sur toute la fin et j'ai pas eu trop mal aux épaules et au cou.
Ça fait du bien !
(Je ne relis pas, désolé pour les fautes)
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