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- Mimétisme, illusion à deux, aimer et être aimé quand on est atypique, etc.
Bonjour,
Je m'interroge sur le sujet du mimétisme, associé à celui de la différence : quand on est atypique, on est beaucoup rejeté, vous le savez. Or, j'ai eu une relation avec une femme qui est restée vingt ans avec moi, et qui m'a choisi précisément parce que j'étais atypique. Et finalement, qui est repartie, je crois, en gros pour des raisons analogues.
Et je vais vous livrer sa propre analyse, que j'applique ensuite à son cas, mais qui me parait pertinente. Je ne sais qu'en penser, mais ça m'interroge. Là, encore, c'est à propos de différence. Précisément, de musique atypique, mais ça peut s'appliquer à un tas de domaines, en réalité.
Je suis dans une région à touristes. Ici, sorti de variétés et pop rock, rien ne marche. J'ai essayé de rassembler des gens pour faire du jazz fusion, de l'acid jazz, et j'ai toujours eu la même difficulté :
Les gens venaient, et au bout d'un moment, je me demandais pourquoi. Je pensais, ils me donnaient à penser qu'ils étaient partants, dans la même démarche. Et au bout d'un moment, ils suggéraient des morceaux qui n'avaient rien à voir, cherchaient à faire diverger le groupe, remettaient en question les choix fondamentaux qui, pourtant, les avaient amenés à venir, etc.
Analyse de mon ex compagne : "tu es passionné, tu es convaincant. Les gens croient, on envie de croire, que ce que tu proposes leur correspond. Ils sont séduits, ils adhèrent, mais pour un temps seulement. Mais ensuite, leur naturel revient au galop et tu te rends compte qu'en réalité, ils ne correspondent que très peu à ton état d'esprit. Ils reprennent leurs distances au bout d'un moment".
Eh bien c'est exactement ce qu'a fait mon ex compagne, d'un point de vue amoureux. Elle aussi a été séduite par ma vision de l'amour, qui venait en grande partie des écrits de Joan Gattuso, une femme pasteur en Amérique, quelque chose basé principalement sur la loi de l'attraction, enfin, je ne vais pas rentrer dans les détails, mais voilà : on a lu Joan Gattuso ensemble, on a décidé d'avoir un couple basé sur ça, une vision de l'amour fervente, un couple sacré. Et ça a bien fonctionné pendant plusieurs années. Mais sur le long terme, en fait, ça ne lui correpondait pas. On peut lui appliquer sa propre analyse, qui me parait pertinente.
Donc je pose la question : comment nous, atypiques, pouvons-nous savoir si quelqu'un qui dit nous aimer, n'est pas en train de faire du mimétisme ? Qu'est-ce qui différencie le bonheur d'une illusion à deux ? Est-ce que si demain je refais ma vie, je ne vais pas retomber sur quelqu'un qui me jouera le même tour ? Le pire étant que la personne elle-même soit sincère, ne se contente pas de nous mentir, mais se mente à elle-même sur le coup, et donc soit d'autant plus crédible ?
De manière plus générale, comment peut-on, en tant qu'atypique, arriver à trouver la personne qui nous correspond ? Moi j'ai été beaucoup rejeté, et cette femme était enfin celle qui m'acceptait, précisément parce que j'étais différent. Elle a donc acquis une certaine importance. Et puis, vingt ans ensemble, ça n'est pas rien.
A présent, j'ai tourné la page. Je suis prêt à refaire ma vie et ça a failli, du reste. Une histoire naissante qui a été brutalement interrompue, cette personne faisant une grave rechute de cancer, ce qui a évidemment mis fin à notre relation, elle n'avait plus du tout la tête à ça, ce que je comprends. Mais je m'interroge sincèrement : je sais que tôt ou tard, une autre rencontre se fera, ce n'est qu'une question de temps. Et alors, qu'est-ce qui empêchera que je ne revive pas une illusion ? Que je ne retombe pas encore sur du mimétisme ?
Et puis demeure la question fondamentale : qui peut aimer un atypique ? Est-ce que cette personne doit être atypique, elle aussi ? Mon ex compagne, elle, était tout ce qu'il y a de plus rationnelle, pragmatique. Elle a été immensément amoureuse de moi, adorait mon côté atypique et ma créativité. Mais finalement, m'a trouvé trop compliqué, torturé. Je l'étais, à l'époque. Je vais mieux maintenant, et j'ai mis à profit le choc de cette rupture pour me faire bouger en profondeur et changer, me remettre en question, entreprendre un gros boulot intérieur. Toutefois, je me demande : qui peut aimer un atypique ? Ou, plus précisément, un comme moi qui cumule : atypique, hypersensible, sans doute zèbre ou quelque chose comme ça, artiste (là, aucun doute) et bipolaire, je pense, c'est très probable.
Compliqué, non ?
Ah, parenthèse à la fin : j'ai mon album qui vient de sortir. Il suffit de taper Ubik Kaotik Orkestra, et on trouve un site avec des extraits, on peut aller écouter, etc.
Bon, qui aurait des pistes ? Et est-ce que quelqu'un a déjà été confronté, sur le plan humain, professionnel, amoureux, artistique, à cette question du mimétisme ? Et aussi, à ce mouvement d'adhésion puis de rejet ? En gros, en tant qu'atypique tu me séduis au début, mais au bout d'un moment j'en ai marre et ça me dérange, finalement je te laisse, etc ? Quelles sont vos expériences en la matière ?
Autre question : avec cette personne je partageais tout, j'étais dans la transparence absolue (la clarté, donner les clés, la communication, c'est vraiment mon truc, ça), et mon ingénieur du son m'a dit que dans un couple, il n'était pas toujours bon de tout dire. Peut-être que c'est encore pire quand on est atypique. Moi des fois, elle me répondait "mais où tu vas chercher des trucs pareils" ?
Est-ce que vous vous confiez ? Est-ce que vous partagez vos doutes, vos interrogations ?
Finalement, je me dis que si je rencontre quelqu'un d'autre, ce qui n'est qu'une question de temps, j'ai peut-être intérêt de moins en dire. De garder pour moi certaines de mes interrogations.
Bon, c'est vrai, j'ai énormément changé. Mais par contre, la timidité est restée. Et elle est intimement liée au rejet. Et lui, il vient du fait qu'on m'ait toujours, toujours, jugé "bizarre".
Il est vrai aussi qu'on vit dans une culture plus tolérante, maintenant. On admet pas mal de choses au niveau des minorités. Moi quand j'étais jeune, le simple fait que je porte des lunettes, ce qu'on a pu m'emmerder, rien qu'avec ça...
Le rejet, ça vous parle ? On vous a beaucoup rejeté, vous ? Avez-vous réussi à vous intégrer ? En jouant le jeu, ou en restant vous-mêmes ? Moi je n'ai jamais pu faire semblant, et même si j'essayais, ça ne fonctionnait pas, ça sonnait faux. Et comment avez-vous fait avec votre côté atypique, pour les relations de séduction ? Est-ce que ça a été un handicap ? Vous l'avez montré, caché, ou rien de spécial ?
Enfin, il y aurait plein de choses à dire. En gros, le sujet de mon post, c'est l'amour quand on est atypique.
Et puis, cette question de mimétisme, qui me fait gamberger à bloc. Me dire que j'aie pu bâtir une relation pendant vingt ans, avec quelqu'un qui, au fond, n'était pas là pour ça, en gros. Voulait y croire, mais au fond ne correspondait pas du tout, étant donné son milieu d'origine, l'état d'esprit de sa famille, les relations tout à fait opposées à ce que je cherchais à établir. Moi c'était la douceur, la fusion, l'empathie, elle venait d'un milieu de gens cultivés mais lanques de putes, toujours à critiquer, à brocarder, à chercher le défaut et ironiser... bref, des valeurs opposées, en fait.
C'est ça aussi, on ne connait pas le parcours de l'autre, quand on le rencontre.
Bon, vous en dites quoi ? Et ça vous inspire des idées ?
Au plaisir de vous lire,
Petite opinion sur le sujet :
Tout comme la beauté physique, l'intelligence peut faire bénéficier d'un certain charisme. De même, le fait de ne "pas être comme les autres", si cette différence est vécue positivement, peut aussi être un facteur d'attraction, de séduction. On peut aussi avoir un pouvoir de conviction dû au fait que l'on sait mieux organiser ses pensées, mieux les exprimer, et aussi mieux "faire passer" ses passions. Est-ce spécifique aux atypiques ? Pas forcément, mais cela doit aider.
Hello there
Je m'inscris complètement dans ton histoire !
Et dans quelques années, peut être j'aurais écrit la même chose.
Pour faire court, et ne pas balancer ma vie en détail aux yeux d'un forum qui n'a pas besoin de ça (mais Gloub' ma MP t'est ouverte), OUI OUI OUI OUI OUI OUI OUI (y'en a 7 comme chez Julien Lepers).
Niveau amical : j'ai été rejeté - je résume sans être je pense être injuste - pour la même raison pour laquelle j'avais été aimé. J'ai vu des étoiles naître dans ses yeux, je me suis vu qualifié de socle, et six mois plus tard, notre relation n'était pas normale et j'étais "trop".
Trois ans après, je m'en relève à peine.
Niveau amoureux : sans rembobiner le fil pour me concentrer sur celle avec qui j'ai repeuplé la France (oh c'est juste une périphrase, prenez pas ça pour du mépris, c'est de la pudeur), partant du principe qu'elle n'est pas atypique (il existe d'ailleurs un sujet ici sur les couples "métis"), j'ai constaté un drôle de truc :
Il y a comme un circuit qui se met en place. Pas que l'autre d'un coup s'intéresse à votre passion devorante du moment (bien qu'on en parle tellement qu'elle n'a aussi pas trop le choix). Pas qu'elle épouse vos vues sur la vie ou la société (ça c'est pas rare quelque soit le couple). Mais il y a comme une (légère) transfiguration (le terme d'osmose est trop 'romantique' quand on parle d'un couple je trouve) qui fait qu'on voit l'autre se mettre spontanément, à raisonner un peu comme comme nous.
Plus concrètement j'ai vu se développer un point de vue politique, une façon de comprendre l'humain, voire même une exigence culturelle qui n'étaient pas là au départ (même si pour cette dernière ça n'a pas duré - le monde des algorithmes est quand même fort).
Une relation profonde entre deux êtres les change, probablement plus en profondeur quand il y a du zebrage dans l'air. La personne 'atypique' peut se sentir démunie face à l'absurdité du résultat final - il restera ci peu de cette dynamique. Mais une relation doit elle sortir un solde comptable positif ? Pas sûr.
Je suis convaincu que, parce qu'on sur mouline, et que du coup on souffre peut être plus que "de raison", à la fin l'atypique y gagne une nouvelle connaissance de soi.
Ce qui fait que, même si on se promène en se frappant le torse, recouvert d'un t shirt Nevermore (alors que les concerts de Mylène Farmer sont finis), on sait qu'on ne pourra pas ne pas y retourner (dans une nouvelle relation, pas au concert de MF)
Et ce, quoi qu'il en coûte
Hello GB :
je ne vois pas dans ce que tu décris du simple mimétisme. Il semble y avoir eu une réelle communion.
Qu'elle ne soit pas éternelle : ben, c'est peut-être l'essence même de la vie.
Je dirais juste que je comprends ta douleur que cela ait eu une fin, mais n'aggrave pas ta douleur en pensant que c'était peut-être une relation sans fondement autre qu'un banal mimétisme. (à moins que ça t'aide à ne plus y penser avec tous les regrets que tu en as, à en minimiser la valeur pour rendre la perte plus supportable).
Rien ne dure. La vie est changement et la conséquence en est parfois la rupture. C'est pas inéluctable mais c'est possiblement très probable. Mais 20 ans, c'est déjà un sacré bout de vie et un bout de vie sacrée.
Je n'ai pas de réponse pour toutes tes autres questions. J'ai fonctionné en système D coté relationnel. C'est pas toujours bien brillant, c'est parfois surprenant, c'est toujours fatigant. Même ma relation avec la solitude m'épuise.
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