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Bonjour à tous ( en particulier @Daria @Merlin @Cheshire et autres)
Je me permets de relancer le débat sur l'écriture inclusive parce que c'est toujours intéressant en sortant du fil où il s'était subrepticement glissé.
Moi qui traîne avec des militants, des libertaires, des féministes et queers depuis trois décennies, l'écriture inclusive est une pratique naturelle.
Personnellement, elle m'a toujours un peu énervé, arguant que le combat pour l'égalité ne se trouvait pas là et que la langue n'est une convention.
Ma mère, féministe, ça l'a toujours fait chier ce genre de truc : autrice, doctoresse, mais qu'est-ce que c'est que ces conneries !
Ceci étant, je connais une fille qui masculinise ses textes, certains bouquins utilisent l'un ou l'autre genre, au hasard ou d'après l'esthétique (subjective) de la sonorité de la phrase, et autre originalité. Un peu de créativité face aux conventions.
Pour moi, la langue française est loin d'être figée, pourquoi pas la faire évoluer en ce sens ? Je m'en fous un peu en fait. Du moment que cela ne coince pas la fluidité de la phrase quand on la lit. En fait, on s'habitue.
Deux petites vidéos à propos de tout ça et qui remettent bien les choses à leurs places.
https://www.youtube.com/channel/UCofQxJWd4qkqc7ZgaLkZfcw/featured
Le débat est réouvert
je crois que je vais lâchement laisser parler @Cheshire pour moi sur le sujet 😄
Et j'affinerai si besoin. Mais on doit avoir un point de vue très proche sur le débat initial pour ce que j'ai pu apercevoir de ses réactions et réflexions passées.
À propos de la video sur les grammar-nazi, j'avoue que j'en étais un et qu'il m'a bien fait réfléchir, ce gars !
Bon, puisque le débat est (vraiment) lancé, je remets ici ce que j'avais bêtement écrit sur le fil de présentation de @Daria
Déjà au départ, on ne réforme pas la langue par décret. C'est l'usage qui peu à peu introduira d'éventuels changements.
Pour ce qui est de la "démasculinisation" ou pas, j'avoue que je m'en fous un peu. C'est un épiphénomène, et si la lutte pour l'égalité des droits pour les "genres non dominants" passe par là, je trouve qu'elle est tombée bien bas.
En ce qui me concerne, je n'ai rien contre que l'on décide d'abroger la règle du "masculin qui l'emporte sur le féminin." Je me fiche royalement qu'on désigne un groupe mixte de personnes dans lequel je me trouve d'un qualificatif au féminin pluriel parce qu'il y a davantage de dames dans le groupe en question.
Je suis tout à fait prêt (je le fais déjà) à employer des féminins qui ont un sens, et qui existent déjà dans l'histoire du français, d'ailleurs. Quand j'étais môme, quand ma mère allait chez une femme médecin, elle disait "la doctoresse". "Autrice" existait déjà aussi. Je suis sûr qu'on peut en trouver d'autres sans se sentir obligés de rajouter un "e" comme un cheveu sur la soupe à la fin de chaque mot dont on n'apprécie pas le genre masculin apparent. J'aurais la même réflexion sur les pronoms agglutinés inventés (ielle...) qui me semblent issus de l'imagination d'un quarteron d'intellectuelles qui n'ont aucune idée de la perception que le plus grand nombre peut avoir de son usage de la langue.
Ce qui me hérisse le poil et que je n'appliquerai jamais, c'est les points, tirets et autres astuces dites inclusives qui caviardent l'écrit. Quand je vois un texte avec des énormité.e.s pareilles, j'arrête de lire. Si jamais ça arrivait dans des bouquins, je serais tenté de les passer par la fenêtre après 2 pages. Je crois qu'il faut surtout éviter tout ce qui est un obstacle à la fois au bon déroulement de la lecture et à l'organisation typographico-lexicale du français. Inventer de nouvelles ponctuations élaborées peut convenir à des salons parisiens, mais si on les introduisait à l'école, le niveau d'analphabétisation ferait j'en suis sûr un grand bon en avant.
En résumé, démasculinisez tant que vous voulez, mais épargnez la langue française, à l'oral comme à l'écrit. Pitié.
J'ajouterai a posteriori que l'introduction d'un nouveau signe de ponctuation (le point médian) n'est pas seulement une entrave à la lecture. Il s'oppose aussi à ce qui fait l'évolution naturelle d'une langue et qui veut que ce soit la pratique qui induise des modifications et non une tentative de propagande militante, quelle que soit la justesse de la cause défendue.
On réforme de plus en plus pour une simplification de la langue française (disparition des accents circonflexes par exemple). L'écriture inclusive, outre le fait qu'elle nuise à la fluidité de lecture, compliquerait la langue française. C'est là le principal écueil pour elle. Et comme les gens ont déjà l'habitude de simplifier (pique-nique ? Non : picnic ; par exemple), ajouter des lettres et des points à la fin des mots, à l'époque où l'on en retranche, me semble saugrenu, dans le sens où cette façon de procéder va à contresens de la volonté générale et étatique. Elle est naturellement vouée à disparaître, excepté pour ceux qui la tiennent pour un cheval de bataille (bien mal en point).
Je ne pense pas que l'usage seul introduise des changements dans la langue. Je ne m'oppose pas à une réforme, je ne m'enferme pas dans le conservatisme, mais à partir du moment où elle peut aider à communiquer au mieux et où je peux m'appuyer sur des "règles" cohérentes dans mon métier. Par exemple, enlever les 2 l ou les 2 t à certains verbes me semblaient judicieux (j'étiquète au lieu de j'étiquette). Malheureusement, deux verbes seulement continuent de doubler le l ou le t (jeter et appeler). Par conséquent, on veut simplifier tout en faisant des exceptions. Il est à noter également que cette réforme n'est pas à appliquer de façon obligatoire. Dans l'enseignement, on nous demande de continuer à accepter les anciennes formes. Pourquoi réformer alors ? Finalement, chacun fait "à sa sauce" ! Certains, par contre, ne comprennent pas la réforme et se passent de tous les accents circonflexes ne faisant plus la différence entre du et dû, mur et mûr ! Bref, cela devient n'importe quoi !
Il y a aussi ceux qui s'interdisent les noms étrangers. Ça me lasse !
J'applique la féminisation sans problème même si elle me fait rire et pas parce que je suis féministe. Je me marre avec les noms de métiers : cuistote ou chauffeuse de bus ! Je suis devenue professeure aussi ! L'écriture inclusive me fatigue, me rebute. Tout comme le combat de ceux et celles qui souhaitent faire de la réforme de l'orthographe un combat féministe.
Au delà de tout ça, je n'oublie pas que notre langue a été codifiée et complexifiée par des intellectuels qui pensaient faire partie d'une élite. Ainsi, le peuple avait du mal à comprendre leurs écrits, leurs idées. Connaître la langue, c'était avoir un pouvoir. Aujourd'hui encore, il est difficile pour certains de comprendre une loi, le compte rendu d'un procès, un contrat d'assurance ou de prêt hypothécaire.
Hello les Apies,
Je crois que suite à mon post de présentation, on me fait légèrement du pied pour que je me transforme en chantre de l'écriture inclusive. Merci Franch ;)
Je trouve ça très sympa et je vous remercie pour vos envies de discuter et de partager même si on n'est pas d'accord :) !
Toutefois, je crains de ne pas être à la hauteur. Je n'ai pas prétention à tout savoir sur cette théorie, et je m'excuse par avance des erreurs, des imprécisions coupables, etc. qui parsèmeront forcément ce que je vais écrire.
Je préfère préciser aussi que je n'ai pas la certitude d'avoir raison. Cependant, je crois sincèrement que ça a du sens d'utiliser cette écriture. Je vise donc ici à faire valoir les arguments courants qui vont dans le sens de cette croyance. Afin que cela puisse peut-être (j'ai bien dit peut-être) répondre à certaines de vos objections et/ou que vous ayez de la matière qui donne à réfléchir à ce propos si vous en êtes curieux·euses.
Je n'ai pas trouvé de moyen pratique simple de le faire. Le format « forum» ne se prête pas aux dissertations. Néanmoins, pour vous donner les arguments en faveur de cette écriture, il importe d'abord de définir ce qu'on entend par là (j'ai l'impression que c'est parfois un peu confus). Mais aussi de dire ce que ça implique sur le fond et sur la mise en pratique. Ce qui est long ! Et donc peu adapté à ce format...
En gras, vous trouverez les grandes questions pour vous y repérer.
J'espère sincèrement que ça ne sera pas terriblement indigeste.
Pour le contenu : il y a déjà tellement de documents qui existent sur la question que ça n'avait pas d'intérêt que j'en écrive un totalement nouveau. Je n'ai pas prétention à l'originalité : je me contente de reprendre des théories et des éléments déjà partagée par un certain nombre. Ce qui suit est donc un mélange entre des textes pris à droite et à gauche (j'indique systématiquement mes sources, mais je ne mets pas les guillemets à chaque fois et je ne re-cite pas systématiquement ma source si je l'ai déjà indiquée plus haut) et quelques-uns de mes arguments. Parce que réécrire ce qui a déjà été dit très bien ailleurs est à mes yeux une perte de temps et d'efficacité.
Avant de commencer je précise une dernière fois : je ne veux pas imposer ce mode d'écriture à qui que ce soit. Et je ne veux pas non plus qu'on m'en impose un. Comme on est un peu venu me questionner sur ma pratique, j'explique ici seulement ce en quoi je crois et pourquoi.
Si ca ne vous intéresse pas ou si avez des certitudes inentamables et que vous ne voulez pas ouvrir de discussion à ce sujet, c'est fort respectable. Mais passez votre chemin. Ce n'est pas non plus la peine de me répondre sans avoir (au moins un peu) essayer de lire les arguments dédiés. (Et pour les réponses éventuelles, je vous serai reconnaissante de ne pas en profiter pour m'habiller de stéréotypes ou de jugement sur ma valeur personnelle. Outre que ça ne facilite pas la discussion, quand bien même je serai une horrible personne, ça ne change rien à l'objet « écriture inclusive » qui peut être intéressant indépendamment de qui sont celleux qui le supportent ou qui le critiquent). Par avance, merci.
PARTIE I. DE QUOI PARLE-T-ON ?
A. Qu'est-ce que l'écriture inclusive ?
L'« écriture inclusive » est une traduction de l'expression anglaise inclusive writing, une variante de l'inclusive language (« langue inclusive » ou « langage inclusif ») présente entre autres dans les milieux académiques de certains pays anglophones depuis au moins une dizaine d'années. L'inclusive language vise à inclure toutes les personnes pouvant ne pas se sentir représentées (en matière de sexe, d'ethnicité, de religion, etc.) par une désignation. Le gender-inclusive language, qui concerne plus particulièrement l'absence de représentation des différents genres (en l'occurrence du genre féminin) en est une spécificité. Ce qu'on appelle, depuis quelques années en France, l'« écriture inclusive » est en fait une écriture inclusive de genre, donc une écriture incluant, c'est-à-dire représentant, les différents genres.
Sources : ceci est un copié-collé de https://www.scribbr.fr/astuces/ecriture-inclusive/
B. Concrètement ça prend quelle forme ?
Déjà ce n'est pas une écriture unifiée : il y a des pratiques différentes.
Bref, ça peut prendre diverses formes. Mais principalement, ces deux là :
1. Renoncer au masculin générique
Ca se matérialise de plusieurs façons. Par exemple par le choix de féminiser des noms de métiers, des grades, de titres et de fonctions (ex : Nadia est cheffe de projet » ; « Marine est conservatrice de musée »). Autre exemple : ne plus dire « les Hommes » mais plutôt « les humains ».
2. Refus de la règle grammaticale selon laquelle le masculin l'emporte systématiquement sur le féminin
a. La syntaxe
Le refus de la règle grammaticale selon laquelle le masculin l'emporte sur le féminin peut se traduire, syntaxiquement parlant, de façons très différentes.
- Par exemple le Haut conseil à l'égalité entre les hommes et les femmes dans son guide « Pour une communication publique sans stéréotype de sexe » soutient la réhabilitation de l'usage de la règle de proximité, qui consiste à accorder les mots avec le terme le plus rapproché. Par exemple : « les hommes et les femmes sont belles » ou « les femmes et les hommes sont beaux ». (cf. http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/guide_pour_une_communication_publique_sans_stereotype_de_sexe_vf_2016_11_02.compressed.pdf, p. 25). Il s'appuie ainsi sur un usage ancien (ex : en 1691, le dramaturge et poète Jean Racine écrivait : « Ces trois jours et ces trois nuits entières)
- D'autres préfèrent la règle de majorité. Par ex : « trois femmes et un homme ont été prises à la suite de cette campagne de recrutement. »
- Certain·e·s privilégient, quand ça ne change rien au sens, l'emploi d'une écriture épicène, c'est à dire « neutre ». Par exemple, pour les noms communs, « L'équipe enseignante » remplace « les enseignants ». Pour les propositions, il est également possible d'employer des formulations neutres. Par ex, sur des sites de musée vous lirez « Vous travailler dans l'animation et souhaitez visiter le musée avec un groupe ? » plutôt que « L'animateur est invité à découvrir le musée avec son groupe ».
- Certain·e·s utilisent le « doublet ». Par exemple : « L'exposition a été organisée par des illustratrices et les illustrateurs ».
- Certain·e·s choisissent d'utiliser de nouveaux pronoms, neutres en genre. Exemples : « toustes » (« tous/toutes »), « ceulles » ou « celleux » (« celles/ceux »), ou « elleux » (« elles/eux »), « iels » (« elles/ils»). Remarque : on trouve aussi « ielles » ou « illes ».
- D'autres préfèrent mentionner dans l'ordre alphabétique les termes au féminin et au masculin (pour éviter toute préférence). Quelques exemples : « celles et ceux », « elles et ils », « les Français et les Françaises », « les étudiantes et étudiants », « les agriculteurs et agricultrices ». C'est ce que recommande par exemple l'agence Mots-Clés qui a édité un manuel d'écriture inclusive publié sur le site de l'Université Toulouse III. (https://www.univ-tlse3.fr/medias/fichier/manuel-decriture_1482308453426-pdf)
Il y a quelques autres usages. Mais je ne vais pas en parler ici, non pas parce qu'ils ne sont pas intéressants, mais parce qu'ils sont un peu plus minoritaires dans l'usage et que j'aimerais ne pas passer ma nuit à écrire ce post qui se veut juste une présentation/définition générale.
b. La typographie
A l'écrit, on trouve diverses façons de rendre compte par la typographie, en un seul mot (pluriel) à la fois du genre masculin et du genre féminin. Par exemple : « musicien(ne) », « motivéEs », « étudiant/es », « arrivé.e.s », « italien-ne-s », « acteur·rice·s »,... le fameux « point médian » est donc l'une de ces options typographiques, au même titre que le tiret ou la majuscule par exemple.
Remarquons que cette forme typographique évite à celui ou celle qui s'en sert d'avoir à choisir entre la règle de la proximité ou de la majorité. Par exemple : « trois femmes et un homme ont été pris·e·s à la suite de cette campagne de recrutement. ». Je n'en suis pas certaine, mais il me semble que pratiquement ca a été (et que c'est toujours) un avantage pour la diffusion de son usage (puisque de coup, cet usage remet moins radicalement en cause nos habitudes de langage et les règles en vigueur). Je crois que c'est seulement pour cette raison que cette façon typographique de rendre l'écrit inclusif s'est davantage répandue que d'autres façons de la faire (comme la règle de la majorité).
(sources : https://www.univ-tlse3.fr/medias/fichier/manuel-decriture_1482308453426-pdf et http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/guide_pour_une_communication_publique_sans_stereotype_de_sexe_vf_2016_11_02.compressed.pdf et https://www.france culture.fr/emissions/le-magazine-de-la-redaction/ecriture-inclusive-un-point-ce-nest-pas-tout et https://legothequeabf.wordpress.com/2017/11/07/recommandations-pour-une-ecriture-inclusive-et-accessible/)
C. Ca marche à l'écrit, mais à l'oral ?
Reprenons les différentes formes que peut prendre le choix de l'inclusivité (point B).
- Point 1) Renoncer au masculin générique (ex : choisir de féminiser les métiers, en usant par exemple du terme « autrice »), ca se fait à l'écrit comme à l'oral.
- Point 2) De même, les éléments syntaxiques qui permettent de refuser la règle selon laquelle le masculin l'emporterait systématiquement sur le féminin au pluriel (point 2)a)) « fonctionnent » aussi bien à l'écrit qu'à l'oral. Par exemple : le choix d'accorder selon la règle de la majorité ou de la proximité se dit tout autant qu'il s'écrit.
- En fait, en première approche, la langue inclusive parait ne poser problème pour l'oral que dans le cas du choix d'une typographie particulière (cf B. 2.b) qui n'est valable par définition que pour l'écrit.
Quel est le rapport entre la typographie spécifique de l'écriture inclusive et l'oral ?
En fait, l'absence d'équivalent direct de cette typographie dans la langue orale est un faux problème. Car l'écriture avec le point médian/la parenthèse/le tiret/etc. est la représentation écrite de formes orales. Par ex. dire « les étudiantes et les étudiants » peut être retranscrit tel quel à l'écrit ou être écrit de cette façon « les étudiant·e·s ». De même « les Françaises et les Français » peut devenir à l'écrit « les Français·es ». C'est une manière d'écrire économe en espace et en temps d'écriture. (Pour les matheux et malheureuses, on pourrait presque dire que c'est une façon de factoriser ^^).
Autre exemple, plus complexe :
Vous pouvez dire « ces deux femmes et cet homme sont intimidantes » ou «ces deux femmes et cet homme sont intimidants » (selon que vous usez de la règle de proximité ou de celle de la majorité). Et cela peut rester tel quel à l'écrit ou devenir « « ces deux femmes et cet homme sont intimidant·e·s ». En revanche, dans l'autre sens, lire « ces deux femmes et cet homme sont intimidant·e·s », vous oblige à faire un choix sur la règle à adopter (majorité, proximité, masculin l'emportant)... C'est l'une des raisons qui expliquent qu'un certain nombre de personnes acceptent l'écriture inclusive tout en en refusant de le faire avec ce type de signes typographiques (iels vont préférer l'écriture épicène, les doublets, etc.). Et ça n'en reste pas moins de l'écriture inclusive ! Donc, il faut arrêter de se focaliser sur la typographie (et en particulier sur le point médian) comme argument massue pour rejeter en bloc l'écriture inclusive : l'écriture ce n'est pas que ça et ce n'est pas nécessairement ça. (Désolée, je me calme ;).
Conclusion
Par ailleurs, ce qui apparaît clairement ici (du moins j'espère) c'est que plutôt que d'écriture inclusive, il serait plus juste de parler de langue (inclusive) : avec sa dimension orale et pas seulement écrite. Et c'est bien d'ailleurs de langue (plutôt que de la seule écriture) dont parle le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) dans son guide « Pour une communication publique sans stéréotype de sexe ».
D. Le point médian
Ceci est une parenthèse dans mon explication, ça ne devrait pas constituer un vrai débat. Mais je me sens obligée de dire un mot sur le point médian parce que bien que l'écriture inclusive ne se réduise pas à ça ni ne nécessite le point médian (cf B et C et, en particulier, dans C. lire« Autre exemple plus complexe (...) ».), ce « point » fait l'objet de grandes crispations...
1. Pourquoi le point médian et pas un autre signe de ponctuation ?
En fait, d'autres signes peuvent servir à féminiser (voir B. 2. b). Néanmoins l'usage le plus courant qui se dessine est davantage celui du point médian.
Pourquoi ?
- les parenthèses : utilisées pendant longtemps ont depuis remises en cause car elles laissent penser que le féminin peut être simplement mis entre parenthèses, et n'est donc qu'une option supprimable par rapport au masculin, le genre par défaut. Exemples : « musicien(ne) », « étudiant(e)s ».
- le « E » majuscule : utile pour mettre en évidence la féminisation, a également été remis en cause car il ne met pas les deux genres sur le même plan ni ne peut être utilisé en lettres capitales. Exemples : « motivéEs », « enseignantE » ;
- la barre oblique : intéressante car indique l'alternative entre les deux genres sans préférence pour l'un, mais critiquée car elle connote une division, une opposition. Exemples : « étudiant/es », « chirurgien/ne » ;
- le point : souvent utilisé car présent sur tous les claviers, mais pouvant remis en cause pour des raisons pratiques : il peut être confondu avec le point final de la phrase. Exemples : « technicien.ne », « arrivé.e.s » ;
- le trait d'union : intéressant dans sa forme mais critiqué car son usage est déjà fixé. Exemples : « italien-ne-s », « employé-e » ;
- le point médian : le plus fortement répandu car il met les deux genres sur le même plan et n'a pas d'autre usage actuellement (il était autrefois employé entre les mots et a été progressivement remplacé par l'espace typographique à partir de l'Antiquité) . Exemples : « gentil·le », « acteur·rice·s ».
Source : L'argument est classique dans les milieux militants donc ici je l'ai « copié-collé de https://www.scribbr.fr/astuces/ecriture-inclusive/. Vous trouverez exactement cette idée ailleurs (dit différemment).
A titre personnel, j'utilise souvent le point médian, parce que (outre les raisons déjà citées en B. 2. b. et en C.) c'est un des usages les plus courants de l'écriture inclusive. Il permet donc de se comprendre facilement.
2. Le point médian, pratiquement c'est compliqué à faire avec les claviers ?
Pour obtenir le point médian sur son clavier, il faut utiliser les combinaisons suivantes :
- sur Mac : « alt + maj + f » ;
- sur Windows : « alt + 0183 (pavé numérique) » ;
- Autre cas : vous êtes sur Windows mais vous n'avez pas de pavé numérique ou l'usage de alt + 0183 ne fonctionne pas (ça arrive). Vous pouvez vous créer un raccourcis clavier (le site de Microsoft vous explique comment). Ou installer un petit logiciel gratuit qui permet d'avoir un clavier au sein avec le point médian. Vous pouvez le télécharger sur ce site : https://www.ecriture-inclusive.fr/ dans « accéder au clavier facilitant l'écriture inclusive » (c'est pas forcément super simple à installer, mais je trouve ça pratique, c'est ce que j'utilise en ce moment même car je n'ai pas de pavé numérique : raccourci clavier alt gr+ .).
- sur Linux : « altgr + . », « altgr + : », « altgr + maj + . », « altgr + maj + ; », « altgr + maj + 1 », « maj + * » ou « altgr + * », selon la disposition du clavier.
Pratiquement sous Linux :
Ouvrez un terminal et tapez la commande suivante pour connaitre la disposition de votre clavier : setxkbmap -query
En fonction de votre disposition voici donc la combinaison de touches à utiliser :
AltGr + ? Maj + ; ( oss / français (variante), oss_latin9 / français (variante, Latin-9 uniquement), mac / français (Macintosh), oss_nodeadkeys / français (variante, sans touche morte), oss_sundeadkeys / français (variante, touches mortes Sun))
AltGr + ? Maj + 1 (latin9 / français (variante obsolète), latin9_nodeadkeys / français (variante obsolète, sans touche morte), latin9_sundeadkeys / français (variante obsolète, touche morte Sun))
AltGr + : (français, français (sans touche morte), français (touches mortes Sun), belge)
AltGr + . ( français Suisse (clavier générique 105 touches PC))
? Maj + AltGr + . (bepo / français (Bépo, ergonomique, façon Dvorak), bepo_latin9 / français (Bépo, ergonomique, façon Dvorak, Latin-9 uniquement))
? Maj + * (du pavé numérique) ( oss / français (variante), bre / français (breton), oss_nodeadkey / français (variante, sans touche morte), oss_sundeadkeys / français (variante, touches mortes Sun))
AltGr + * (du pavé numérique) (oss_latin9 / français (variante, Latin-9 uniquement), bepo / français (Bépo, ergonomique, façon Dvorak), bepo_latin9 / français (Bépo, ergonomique, façon Dvorak, Latin-9 uniquement))
Compose + ^ + . ou Compose + . + - (Avec une touche compose)
Sources : https://rebellyon.info/Comment-taper-facilement-le-point-median-16767
E. L'histoire de l'inclusivité
On pourrait parler des noms de métier qui existaient au féminin au 15e siècle, du fait que les règles d'accord selon la proximité ou la majorité étaient très répandues jusqu'au 17e siècle, de la règle qui dit que « le masculin l'emporte sur le féminin » établie au 17e siècle mais qui en fait n'est guère répandue dans l'usage courant avant que l'instruction ne devienne obligatoire laïque et publique (soit au 19e siècle), etc.
Mais 1, ce serait très long de revenir sur toute cette histoire, 2. (et surtout) je ne suis pas qualifiée. Si ça vous intéresse vous pouvez commencer par regarder de Françoise Vouillot pour le HCE (https://www.facebook.com/hcefh/videos/794701897371916/) ou, mieux, allez lire les ouvrages d'Eliane Viennot (pour celleux qui ne la connaissent pas elle est professeuse émérite de littérature française de la Renaissance à l'université Jean-Monnet-Saint-Étienne et, pour résumer très rapidement, elle s'intéresse à l'histoire de notre langue et à sa masculinisation progressive au cours des derniers siècles... Vous pouvez trouver une introduction, mais très partisane je vous préviens, ici https://simonae.fr/sciences-culture/litterature/peril-langue-francaise-eliane-viennot-verite-langage-inclusif-ecriture-inclusive/. Et sinon, Eliane Viennot a fait des livres, a participé a à des émissions de radios, il ya des conférences d'elle sur youtube, elle a son site, etc. donc c'est pas compliqué à trouver )
L'important à retenir ici c'est que non la question de rendre plus ou moins inclusive la langue n'est pas récente : elle a une (longue) histoire.
(Cette histoire n'est évidemment pas sans corrélation avec l'histoire politique et sociale de la place des femmes dans la société. Mais ça serait allé trop loin que de développer ce point pour notre propos ici, je vous invite donc à vous documenter de votre côté si ça vous rend curieux·euses).
F. Le mot « inclusif »
Certain·e·s évitent d'utiliser l'adjectif « inclusif » et lui préfèrent « non sexiste ». Ce qui est critiqué c'est qu' « inclure » quelqu'un·e dans un langage, c'est se placer en tant que personne naturellement légitime, au centre de celui-ci, et placer l'autre à l'extérieur.
Pour ma part, ici et pour rester dans les clous du sujet ouvert par Franch, je vais en rester au terme d' « inclusif ».
PARTIE II. L'INCLUSIF SUR LE FOND
G. Une langue inclusive : mais pourquoi ?
citation :
Nous pensons qu'intégrer dès le plus jeune âge que « le masculin l'emporte sur le féminin » n'est pas complètement anodin, que le langage participe de la construction de soi et véhicule une vision du monde.
Sources : https://legothequeabf.wordpress.com/2017/11/07/recommandations-pour-une-ecriture-inclusive-et-accessible/
En français, il n'y a pas de genre neutre (contrairement au « das » de l'allemand ou au « it » de l'anglais par exemple). Nous n'avons donc pas de 3e genre qui nous sortirait de la binarité entre genre « féminin » et genre « masculin » : notre langue est parfaitement binaire de ce point de vue.
Et le genre masculin est devenu le genre générique susceptible d'englober le genre féminin. Par exemples : on parle « des Hommes », on dit « les filles et les garçons sont contents » (et non contentes)... le genre féminin en est venu à disparaître derrière le genre masculin.
Cette convention langagière a des effets pratiques, concrets dans la société. La cécité de notre société sur un certain nombre d'inégalités homme/femme ne me semble en effet pas étrangère à cet usage de la langue. Une langue qui rend les femmes invisibles marque et façonne une société où ces personnes jouent un rôle de second plan.
Pourquoi ?
Parce que la langue est un outil par lequel nous nous saisissons du monde et de nous-mêmes. Les mots, la syntaxe, nos possibilités et nos limites de langage façonnent notre conception du monde et donc notre rapport à celui-ci. Ainsi, quand on a des règles de langue qui invisiblent le féminin, cette invisibilisation n'est pas sans effet sur notre rapport aux autres, à nous-mêmes, et donc à la société.
En un mot comme en cent : ce qui est invisibilisé par le langage n'existe pas socialement.
H. Deux petits « jeux » pour percevoir les effets pratiques de notre langue sur notre représentation du monde.
L'argument théorique est simple : ce qui est invisibilisé n'existe pas.
Mais, quand vous lisez ça, vous vous dites sans doute que ce ne sont que des mots. Pour vous convaincre que c'est aussi très concret, je propose deux expériences à celleux qui en ont envie.
1. Faites la devinette du chirurgien à votre entourage.
« Un père et un fils sont en voiture. Survient un accident. Le père meurt sur le coup. Le fils, dans un état grave, est conduit à l'hôpital. Il doit être opéré en urgence. Dans la salle d'opération le chirurgien déclare « Je ne peux pas l'opérer, c'est mon fils ». Comment est-ce possible ?
Dans le contexte de ce forum, la réponse est évidente. Je vous invite donc à la faire sur votre entourage et voir le temps qu'il lui faut pour trouver. C'est une devinette assez connue (celle-là ou ses variantes) donc les résultats seront sans doute très variables, mais je pense que vous serez quand même surpris·e dans un certain nombre de cas.
En fait, le fait même que ça puisse être considérer comme une devinette en dit long.
Si vous avez une petite fille ou une adolescente à la maison, il y a des chances que le temps qu'elle mette à trouver la solution vous donne un indice de la représentation qu'elle se fait de ses propres possibilités professionnelles en tant que femme...
Qui sait, peut-être que ça donnera envie à certain·e·s de féminiser davantage les noms de métier ?
En tout cas, je pense que cette petite expérience vous permettra de voir ce que ça signifie quand on dit que le fait d'invisibiliser le féminin au profit du masculin dans la langue a pour effet d'invisibiliser les femmes dans le monde réel.
2. La discussion inversée
Un peu plus complexe, mais plus parlant.
(En tout cas, moi la devinette précédente ne m'aurait pas convaincue, ceci en revanche a changé ma vision des choses.)
Je vous propose, si vous avez un·e interlocuteur·trice qui accepte de jouer à ce jeu là avec vous, d'avoir une discussion ou vous inversez systématiquement les règles grammaticales de telle sorte que le féminin l'emporte sur le masculin. Je répète systématiquement. Ex : « Elles » pour désigner un groupe composé d'au moins un hommes et une femme, « les institutrices »/ « les conductrices » pour désigner un groupe, « les Femmes » pour désigner un groupe d'hommes et de femmes, mais aussi, tout aussi bien un groupe composé uniquement d'hommes, etc . Ca vous semble facile, et bien essayez. Outre que vous risquez d'y perdre votre latin, si vous avez l'idée que les mots que vous employez n'affectent pas votre rapport au monde, vous pourriez changer d'avis.
En tout cas, moi c'est ce qui m'est arrivé. Je vous partage ici mon expérience.
Ma petite expérience des effets du langage sur ma conception du monde
Un jour où j'écoutais une émission de radio, j'ai entendu une personne narrer une petite scénette : il s'agissait de la discussion de 4 personnages (deux couples hétéros) lors d'une soirée entre ami·e·s. L'histoire était très simple mais elle était racontée selon d'autres règles de langage que celles qui valent habituellement : le féminin l'emportait sur le masculin (ce sont les règles du 2e jeu que je vous ai proposé). Qui plus est, il y avait une inversion des stéréotypes de genre (par ex. les femmes discutaient entre elles de foot et de politique, tandis que les hommes parlaient shopping et régimes). Eh bien, au bout de quelques minutes, à mon grand désarroi, je ne comprenais plus rien. Il n'y avait que 4 personnages, et la conversation était simple, pourtant j'étais incapable de savoir qui disait quoi, qui était qui. J'étais complètement perdue dans l'histoire...
Ca m'a ébranlée. Je me suis rendue compte que les mots qui pour moi n'étaient jusque-là que des conventions arbitraires, de peu d'effets en eux-mêmes, en réalité affectaient ma conception du monde. Que les formes affectent le sens si vous préférez.
Avec le recul je me dis que cela vient du fait que notre langue induit une ambigüité fondamentale dans certains signes. Un même signe (par ex. le mot « ils ») peut en effet vouloir dire de choses différentes (« un groupe d'hommes » ou « un groupe d'homme(s) et de femmes(s) »). Le problème c'est qu'on fait comme si cette ambigüité du langage n'existait pas, et donc qu'elle ne créait pas d'incertitudes ou d'erreurs (cet aveuglement apparaît parfaitement dans la devinette du chirurgien : on croit qu'on sait qu'un chirurgien peut être un homme ou une femme et, pourtant... on cherche pourquoi cette déclaration à la fin). En fait, ces erreurs, ces incertitudes, etc., se produisent sans arrêt car ces signes ambigus (« ils », « eux », « Hommes », « ceux », etc.) sont des mots qu'on emploie tou·te·s et tout le temps. Et donc sans y penser.
Voilà, si vous me demandez pourquoi je pense qu'il faut pratiquer la parole et l'écriture inclusive, je vous répondrai ça : parce que ça recrée du sens, de la justesse de pensée, dans notre conception inconsciente du monde qui, façonnée par les règles actuelles de la langue, est actuellement floue, aveugle à une partie importante de ce qui pourtant existe. Bref, que ça éviter les erreurs. Alors oui, c'est un effort quotidien, constant, c'est fatiguant non seulement de changer ses habitudes, mais aussi de désambigüiser sans arrêt (parce que c'est un effort pour penser de ce qui est habituellement impensé justement). Mais ça a du sens de le faire.
I. L'écriture non genrée : visibiliser les femmes mais pas que...
Certaines personnes agenres (c'est-à-dire ne se définissant ni comme des hommes, ni comme des femmes) et certaines personnes trans ne souhaitent pas être désigné·es par un pronom genré («il» ou «elle»), ces personnes demandent à ce qu'on ait recours à d'autres formes de langage (par exemple, à la contraction du pronom masculin et du pronom féminin, comme dans « iel »).
Les agenres et trans qui revendiquent ce type de langage que nous appelons ici « inclusif » pour simplifier (notons que ca ne les concerne pas tou·te·s) ont beau être largement minoritaires, cela ne signifie pas que leur droit d'être visibles est moins important. Que notre langue permette de décrire toute personne de façon correcte et respectueuse ne semble pas exactement une absurdité.
Remarque : il s'agit ici d'une vision large de l'inclusivité (iels préfèrent d'ailleurs souvent le terme d'«écriture non genrée »). Toutefois je voulais la mentionner parce qu'elle est aussi importante. Si cette question vous intéresse, je vous invite à lire ça : https://simonae.fr/sciences-culture/litterature/nommer-exister-alpheratz-troisieme-genre/
J. L'inclusivité, est-ce une question accessoire ?
C'est un argument qu'utilisent souvent celleux qui sont contre.
1. Pourquoi je crois que c'est essentiel
Une langue se transforme au gré des idées et des pensées qui la traversent. Par conséquent, la langue a une dimension politique. On le voit bien dans le cas qui nous intéresse ici lorsqu'on regarde la façon dont la langue française a été infléchie délibérément vers le masculin durant plusieurs siècles par des groupes qui s'opposaient à l'égalité des sexes (sur ce point je vous renvoie au guide du Haut conseil à l'égalité « Pour une communication publique sans stéréotype de sexe » et, surtout, pour aller plus loin, à Eliane Viennot). Autrement dit, tant que notre langue véhicule une conception du monde où ce qui n'est pas le masculin est invisibilisé, et donc tant que notre univers symbolique, notre culture, se construisent là-dessus, il n'y a aucune raison que les inégalités disparaissent dans la société.
Bien entendu, changer la langue ne résout pas tous les problèmes d'inégalité, d'invisibilité, etc. Cependant croire qu'on peut changer de paradigme social de ce point de vue sans changer le système de représentations qui le génère (et que cet état de la société continue d'alimenter en retour) me semble illusoire. La transformation de la langue (et donc de notre système de représentation) est nécessaire pour parvenir à une société vraiment égalitaire .
Je précise : égalitaire pour les hommes et les femmes, mais pas que (cf. I).
Donc, de mon point, ce n'est clairement pas une question accessoire, mais essentielle. Même si ce n'est pas non plus la seule transformation à initier pour parvenir à cette égalité.
2. Et même si c'était une question accessoire...
Même si on admettait que c'est une pratique plus secondaire pour parvenir à l'égalité (ce qui n'est clairement pas mon avis), je ne vois pas en quoi ce serait un argument contre l'écriture inclusive. Il faudrait qu'on m'explique en quoi utiliser cette écriture pourrait empêcher son utilisateur·trice de participer à d'autres formes de combat, qui seraient jugées plus importantes, pour supprimer ces inégalités et injustices. (En fait, d'expérience, c'est plutôt le contraire : ce sont les personnes qui pratiquent cette écriture qui participent souvent aussi à d'autres formes de lutte sociale, mais passons...).
PARTIE III. L'INCLUSIF EN PRATIQUE : CONCRETEMENT CA POSE QUELS PROBLEMES ?
Ce qui suit n'est pas une liste exhaustive, ça va de soi (c'est déjà assez long comme ça, non ?)
K. L'écriture inclusive c'est illisible ?
(@ Merlin, ce point peut peut-être t'intéresser ? ;)
Ca dépend ce qu'on entend par là. Dire que c'est illisible ou désagréable à lire, ça peut vouloir dire deux choses : que cette écriture est laide ou que cette écriture ralentit (fortement) la lecture. Ce qui n'est pas pareil.
Avant de détailler, je remarque que souvent les personnes qui trouvent cette écriture « illisible » en fait parlent seulement de l'écriture typographie (cf B.2.b) et notamment du point médian (ce à quoi l'écriture inclusive ne se réduit pas comme on l'a vu). Mais bien sûr, ce n'est pas uniquement le cas. Il y a aussi des gens qui jugent ça illisible en raison de la féminisation des noms de métier ou de l'apparition de pronoms comme « iels ». Donc, j'englobe ici tous ces cas.
1. L'écriture inclusive est laide
La phrase « Je trouve que l'écriture inclusive est parfaitement inélégante (ou moche ou horrible) » n'est pas un argument, c'est une opinion. Cette phrase reflète un sentiment (de laideur en l'occurrence) et pas un fait objectif. Comprenons nous bien : je ne dis pas que les sentiments, les opinions sont sans intérêt, je dis juste qu'on ne peut pas construire un débat là-dessus. Pourquoi ? Parce qu'un sentiment est toujours vrai pour celui qui le ressent.
Si, à côté de cette personne qui trouve sincèrement cette écriture laide, une autre déclare « je trouve que l'écriture inclusive est d'une inédite beauté syntaxique (ou typographique) » : c'est aussi une opinion. Le sentiment est opposé. Pour autant, ce sentiment est tout aussi vrai que celui de la première personne. On se retrouve donc avec deux personnes qui disent des choses contradictoires et qui sont pourtant toutes les deux parfaitement véraces. Il ne peut pas y'avoir de débat là. Les deux personnes ont « raison » : iels affirment ce qu'iels ressentent. En revanche, ce type de phrase ne permet pas de construire un raisonnement, et donc ne permet pas un débat argumenté. On se retrouve juste dans l'impasse des oppositions entre « moi j'aime »/ « moi pas » et, au final, en général, dans ce genre de cas, c'est le plus fort (c'est-à-dire celui qui a le plus de pouvoir) qui gagne. Mais, en fait, ça ne fait pas avancer le raisonnement.
Comprenons-nous bien, je respecte les gens qui donnent leur opinion, qui témoignent de leur sentiment, et je crois à l'importance de pouvoir s'affirmer ainsi. Alors, si ça a du sens à vos yeux, faites-le ! Et je n'ai rien à répondre ça (ni à celleux qui trouvent ça laid, ni à celleux qui trouvent ça beau).
C'est aussi parce qu'en fait, d'un point de vue logique, il n'y a tout simplement rien à répondre à ça : ce type d'affirmation ne relève pas du plan argumentatif. Bref, ce n'est pas, à proprement parler, de l'ordre du débat.
Voilà pourquoi @Merlin, je ne répondrai pas à ton « Ce qui me hérisse le poil (...) c'est les points, tirets et autres astuces dites inclusives » : je ne peux évidemment que respecter ton opinion.
2. L'écriture inclusive ralentit la lecture.
(Je crois comprendre que c'est ce que disent en substance @Marien et @Merlin, non ?)
L'argument qu'il y a derrière cette phrase c'est que l'écriture inclusive rend plus longs les mots et les phrases, qu'elle nous soumet à des formes inhabituelles de l'écrit, bref elle nous complexifie la tâche et donc nous ralentit.
Déjà, on peut se demander si le but de la lecture est d'aller vite.
Ensuite, sur le fond : ce n'est pas faux, l'écriture inclusive (mais aussi la parole inclusive) peut clairement vous ralentir.
Mais c'est un ralentissement qu'il faudrait beaucoup relativiser. Je m'explique :
a) tout d'abord je mets de côté ici l'apprentissage de la lecture en général qui, lui, peut être vraiment impacté. (J'y reviens plus bas, en L., en en faisant un point à part parce que c'est une vraie question).
b) Ici je me concentre donc sur les lecteurs·trices qui ne sont plus au stade de l'apprentissage mais qui lisent sans difficulté, c'est-à-dire ce qu'on appelle les lecteurs·trices compétent·te·s. Et qui découvrent donc, sur le tard, l'écriture inclusive (en gros ça concerne tout le monde ici je pense).
Lorsqu'un·e tel·le lecteur·ice commence à lire en inclusif il va au départ être nettement ralentit par l'usage de nouveaux mots (ex. « iels », « autrice », etc.), voire d'une typographie dédiée à l'inclusivité quand elle est présente. Mais, une fois l'habitude prise, cela ne sera plus une cause de ralentissement. Si vous vous demandez pourquoi j'affirme cela, je vous invite à vous intéresser aux différentes voies de lecture et notamment à la voie directe ou procédure par adressage ou voie lexicale : l'effet de cette procédure lexicale à l'oeuvre dans la lecture c'est que les mots fréquents sont mieux lus, et plus rapidement, que les mots plus rares (leur « adresse » étant plus facilement accessible, parce que plus souvent sollicitée). Pour le dire plus simplement, c'est une histoire de familiarité : si vous vous retrouvez à lire régulièrement des textes en écriture inclusive, vous allez mémoriser les nouveaux mots (féminisation des noms de métiers, « iels », etc.), mais aussi la syntaxe, la typo et, une fois cela fait, vous ne trouverez plus de gêne à ces lectures. Ca vous paraîtra normal. Je dirais même que, selon toute probabilité, si cette écriture devient un jour la norme, qu'elle est courante, ce sera alors l'absence d'inclusivité que vous jugerez comme perturbante et gênante pour la lecture (là encore, en raison de la voie lexicale à l'oeuvre dans la lecture).
Je vous dis ça aussi d'expérience, comme tout celleux qui ont appris le français selon les règles, j'ai commencé par « galérer » un peu lorsque je lisais mes premiers textes en inclusif... aujourd'hui ça ne me ralentit, ni ne me gêne plus. (Il n y' a pas de miracle, c'est tout simplement parce que j'y suis habituée).
La seule chose qui peut encore ralentir ma lecture aujourd'hui c'est la présence de doublet (ex : « les dessinateurs et les dessinatrices de cette école ») qui allongent (et donc ralentissent) l'écrit, comme l'oral. Mais ça reste un ralentissement plutôt minime, j'imagine que vous en conviendrez.
L. Ca entrave l'apprentissage du français ?
1. Le cas de l'élève lambda
Comme je l'ai dit, quand on parle d'inclusivité on parle de langue. C'est-à-dire d'oral et d'écrit (cf C.). Or, il est plus facile d'apprendre ce qu'on entend tous les jours. (Par exemple au lieu de demander « quels sont ceux qui ont fini leur travail ? », un·e professeur·e des écoles peut dire « celles et ceux »). Si on habitue les enfants à une parole inclusive, iels l'utiliseront aussi et apprendre à écrire en inclusif ne présentera pas de difficultés spécifiques pour elleux.
En fait, ce qui rendrait difficile l'apprentissage de cette écriture en inclusif ce n'est pas l'inclusif en général, mais le choix d'utiliser une typographie particulière à cette fin (comme le fameux point médian, entre autres - cf. B. 2. b). Mais comme on l'a dit : on peut avoir une écriture inclusive sans cette typographie (même si évidemment ça implique d'autres choix...).
Cependant, si on veut utiliser cette typographie, alors oui ça va compliquer l'apprentissage des enfants. Toutefois, dans des proportions qui semblent raisonnables. Ajouter un «·e » quand le sujet comporte des hommes et des femmes semble à la portée d'un·e élève lambda. Féminiser ainsi un texte est loin d'être aussi compliqué qu'accorder des participes passés en fonction de l'auxiliaire par exemple, ce que pourtant les élèves du primaire apprennent tou·te·s... Quant à la difficulté de la lecture, elle existe, c'est certain. Toutefois, je remarque que, personnellement, je n'ai pas appris l'addition, la division, la soustraction et la multiplication la même année. Pourtant je me sers très bien et régulièrement des quatre opérations : ce que je veux dire c'est qu'on n'est pas obligé·e·s de tout apprendre en même temps et quand même avoir l'usage de tout au final.
Alors oui, l'inclusif, va rendre l'apprentissage de la lecture/écriture plus compliqué. Mais pas incroyablement plus compliqué. Il ne faut pas exagérer.
En fait, j'ai l'impression que l'argument qui dit « trop difficile à apprendre pour les enfants » semble plutôt signifier « ce n'est pas le genre d'apprentissage que je souhaite que mon enfant ait à gérer parce que j'estime que cet élément n'est pas assez important pour qu'il fasse cet effort ». Bref, ce qu'il y a derrière, c'est peut-être moins la difficulté de l'élève que l'importance idéologique qu'on accorde à cette écriture. Pour le dire autrement, au fond, je crois que ce qui se joue là c'est de savoir quel est l'intérêt pour l'élève de faire l'effort de surmonter cette difficulté. Et est-ce que le jeu en vaut la chandelle ?
Je reviens là-dessus en 3.
2. Cette écriture est discriminante pour les dyslexiques ?
La meilleure réponse est pour moi ici : https://legothequeabf.wordpress.com/2017/11/07/recommandations-pour-une-ecriture-inclusive-et-accessible/
Je souligne, que c'est vrai, c'est plus difficile pour les dyslexiques.
Mais qu'il faut plus généralement avoir conscience d'une chose : l'écriture tout court est discriminante pour les dyslexiques.
Donc oui, ça rend l'apprentissage de l'écriture/la lecture des dyslexiques nettement plus difficile.
Plus difficile mais pas impossible.
Il y a des outils : là encore, commencer par féminiser l'usage inclusif à l'oral semble pouvoir grandement faciliter sa transcription à l'écrit. Et là encore l'usage typographique (par ex. du point médian) n'est pas la seule façon de féminiser : on peut privilégier les autres formes (comme le doublet). Si on souhaite tout de même utiliser les signes typographiques : de ce qu'on en sait, ce type d'écriture inclusive n'est pas impossible pour les dyslexiques, mais (comme pour le reste de l'écriture) des outils adaptés (par exemple une police de couleur ou du gras pour les terminaisons des mots) sembleraient faciliter leur lecture.
Pour ma part, je reviens à mon point précédent, comme pour tout élève : au fond, ce qui se joue là c'est à mon sens de savoir à quel est l'intérêt pour l'élève de faire l'effort de surmonter cette difficulté. Et est-ce que le jeu en vaut la chandelle ?
3. Quel est l'objectif pédagogique pour les élèves ?
Pour celleux qui jugent que les effets de cette écriture sont importants pour leur enfant, je crois que la difficulté sera considérée comme acceptable (et s'il faut faire des sacrifices de simplification de la langue, ces personnes-là choisiront de les faire ailleurs). Tandis que pour celleux pour qui les effets de cette écriture sont négligeables (ou même néfastes) : il est clair que la difficulté sera jugée monstrueuse (et ce, très logiquement, puisqu'à leurs yeux l'effort fait pour la surmonter n'est récompensé par rien).
Bref pour l'élève lambda, comme pour l'élève dyslexique, le problème n'est peut-être pas tant celui de la difficulté de l'apprentissage, que celui de savoir si, au regard du gain, l'effort fait pour surmonter cette difficulté en vaut la peine ?
Alors, que vont tirer les enfants de cet apprentissage de l'inclusif ?
Et bien, en dehors d'être nos enfants, d'être des élèves, d'être dyslexiques ou non, ces individus pour une bonne partie sont de genre féminin et tout·e·s seront demain des citoyen·ne·s. Du coup, si le langage (et donc l'univers symbolique) dans lequel iels sont élevé·e·s invisibilise moins les femmes, si cette langue leur donne une autre perception de soi et du groupe avec lequel iels évoluent, alors on est en droit d'espérer que la société qu'iels formeront demain sera plus égalitaire et qu'elle donnera plus de place aux femmes. Si on pense ainsi, peut-être que pour un·e élève, dyslexique ou non, l'effort en vaut la chandelle...
J'ajoute que ces considérations qui touchent à l'égalité hommes/femmes, sont également vraies pour une partie des personnes agenres et trans (voir point I).
Voilà.
Après, c'est un peu hors sujet ici, mais si vous avez envie de parler de parler d'écriture inclusive avec vos enfants, je vous conseille ce petit docu (moins de 2 minutes), ça peut être une bonne base de conversation s'iels ont des questions : voir la vidéo
M. Et qu'en est-il de la lecture de cette écriture pour les personnes en situation de handicap (hors dyslexiques donc) ?
On pense notamment aux personnes ayant des problèmes de vue et qui utilisent la vocalisation par des lecteurs d'écran lorsqu'iels sont devant leur ordinateur. Comme pour les précédents cas, le problème pour iels apparaît quand il y a une typographie particulière. Et, si on veut utiliser cette forme là d'inclusivité, c'est un vrai problème. Dans ce cas, tout comme pour les dyslexiques, il n'y a pas (ou pas encore ?) de réponse parfaite. Néanmoins quelques outils qui s'améliorent peu à peu. Si ça vous intéresse, je vous invite à lire ça : https://www.lelutinduweb.fr/ecriture-inclusive-accessibilite-solutions/ et ça https://legothequeabf.wordpress.com/2017/11/07/recommandations-pour-une-ecriture-inclusive-et-accessible/)
N. L'inclusif, est-ce un débat actuel ?
Oui et non. Comme je l'ai dit plus haut (voir E), la plus ou moins grande inclusivité de la langue est en fait débattue depuis au moins trois siècles (même si on n'a pas toujours appelé ça comme ça). Là encore je vous renvoie vers les travaux d'Eliane Viennot.
Mais pour l'histoire récente puisque c'est ça, si je comprends bien qui intéresse @Marien, voilà quelques faits :
- L'écriture inclusive est défendue depuis 2015 par le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes. Rappel son guide « Pour une communication publique sans stéréotype de sexe » nouvelle édition en 2016 est là : http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/guide_pour_une_communication_publique_sans_stereotype_de_sexe_vf_2016_11_02.compressed.pdf).
- En mars 2017, les éditions Hatier ont publié un manuel scolaire pour les classes de CE2 en employant cette nouvelle forme d'écriture (ex. « grâce aux agriculteur.rice.s, aux artisan.e.s et aux commerçant.e.s, la Gaule était un pays riche »). Ca leur a valu un revers de Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Education nationale, qui s'est dit contre. Mais son Ministère a depuis signé la convention du Haut conseil à l'égalité : « pour une communication publique sans stéréotype de sexe »...
- En octobre 2017, le logiciel Word de Microsoft, publie une mise à jour (réservée aux abonnés Office) qui comprend dans ses paramètres de grammaire et de style une option de « langage inclusif ». Selon le site de Microsoft, cette fonctionnalité «cible le langage genré à même d'exclure, de rejeter ou de stéréotyper» et propose des alternatives.
- En 2018 : il y a eu pas mal de publications sur la question. Je signale en particulier (et c'est tout à fait subjectif comme choix) : « Le langage inclusif : pourquoi, comment ?» (Éliane Viennot, éditions ixe : https://www.editions-ixe.fr/catalogue/le-langage-inclusif-pourquoi-comment/) et « Grammaire du français inclusif » (Alpheratz, Vent Solars : https://www.alpheratz.fr/linguistique).
- En février 2019 : l'Académie française adopte un nouveau rapport sur la féminisation des noms de métiers et de fonctions. Cf http://www.academie-francaise.fr/actualites/la-feminisation-des-noms-de-metiers-et-de-fonctions. C'est une petite avancée pour la langue, mais vu le conservatisme de cette institution sur cette question, le fait qu'elle ait publié un nouveau rapport sur la question, un peu plus souple, qui autorise « autrice » par exemple, n'est pas anodin.
- En septembre 2019, un nombre important de collectivités et institutions ont signé la convention « pour une communication publique sans stéréotype de sexe » du HCE : http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/stereotypes-et-roles-sociaux/actualites/article/liste-des-signataires-de-la-convention-d-engagement-pour-une-communication
- Un exemple pour 2020 : OpenEdition, qui est une plateforme de ressources électroniques en sciences humaines et sociales mise en place conjointement par le CNRS, deux universités et l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), publie depuis quelques mois ses lettres d'informations en inclusif (ex la dernière lettre, celle d'avril : https://journals.openedition.org/12184?file=1 // si vous comparez avec la lettre d'avril 2019, vous verrez qu'alors ils/elles n'étaient pas encore passé·e·s à l'inclusif : https://journals.openedition.org/11441?file=1 )
Enfin si vous saisissez « écriture inclusive » (ou « langue inclusive », ou « non genrée », etc.) dans votre moteur de recherche vous verrez qu'un grand nombre des liens qui s'affichent sont des articles ou vidéos polémiques sur la question (pour ou contre) qui datent des trois dernières années.
Tout ceci a l'air de montrer que, après trois siècles de tripatouillage de la langue, le débat est (« encore » ou « toujours » comme vous voulez) d'actualité.
Attention. Je ne dis pas que l'écriture inclusive va devenir la nouvelle norme, je dis juste que le débat est en cours...
O. Quelle issue à ce débat ? Et, accessoirement, pourquoi je me prends la tête à y participer ?
Ce qui suit n'engage que moi : c'est une profession de foi (si vous me passez l'expression) plutôt qu'un argumentaire.
Comme @Berengere @Marien et @Merlin, je crois que l'usage l'emportera. Ce que je veux dire c'est que ce n'est pas l'Académie française ou les dictionnaires qui décideront de la langue, mais l'usage. En général, les dictionnaires et l'Académie finissent par admettre les transformations/néologismes qui se sont auparavant répandus dans la population. On n'impose pas une langue.
Cependant, avant qu'un nouvel usage devienne massif dans une population, il est d'abord toujours le fait d'une minorité.
Bref, comme une langue vivante se transforme perpétuellement (un élément peut apparaître mais aussi bien disparaître), nous verrons comment les usages à venir trancheront cette question de l'inclusivité.
Et comme, pour moi, cette écriture/langue inclusive a du sens, je vais continuer à l'utiliser (comme une minorité de personnes) en espérant que d'autres s'y retrouvent également un jour et que l'usage s'en répande peu à peu...
Je n'ai pas donc pas de certitude sur cet avenir, mais une croyance : j'utilise la langue inclusive parce que, comme je l'ai dit, je crois que l'effort en vaut la chandelle et que si son usage devient légitime et courant, notre société s'en portera mieux... Je précise que même si j'étais persuadée que l'inclusivité est vouée à rester archi-minoritaire dans notre société (ce qui n'est pas le cas), ça ne m'empêcherait pas de l'utiliser, parce qu'elle me semble la pratique de la langue la plus judicieuse pour façonner ma représentation du monde et (donc) mon comportement. Ou, comme l'aurait dit un de mes anciens profs, pour muscler mon rapport au réel :).
Encore une fois, je respecte celleux qui ne veulent pas utiliser l'inclusivité. Et je n'ai aucun mal à les lire ou à parler avec elleux, parce qu'heureusement l'inclusivité n'est pas l'alpha et l'oméga de toute conversation ! Et qu'on peut ne pas s'accorder sur ce point, comme sur d'autres, et, pour autant, avoir des discussions passionnantes. :)
Je crois que chacun·e doit faire ce qui lui permet d'être en accord avec soi. Celleux qui refusent l'inclusivité, comme celleux qui l'adoptent.
Et, pour cette raison, je demande le même respect en retour. Ne m'imposez pas votre façon d'écrire/de parler, comme je n'impose pas la mienne.
Et si vous ne pouvez pas me lire, parce que le fait que je ne me range pas à votre conception des choses vous insupporte, alors ne me lisez pas. C'est bien dommage, mais je ne peux pas avoir de conversation avec des gens qui me demandent de ne pas être moi pour avoir la possibilité de discuter avec elleux. J'espère sincèrement qu'on n'en arrivera pas là.
Et comme je suis désespérément optimiste, je crois au profit réciproque des conversations à venir :)
Bonne journée les Apies !!
Daria
PS : si l'un·e d'entre vous arrive au bout en ayant tout lu, je serais très inquiète pour sa santé mentale. Non, sans rire, si c'est votre cas je vous remercie infiniment de votre patience. J'ai conscience de l'effort... bref, merci et bravo.
PS 23 : je m'excuse pour les fautes d'orthographe qui ne manqueront certainement pas d'émailler ce texte...
PS 345 : merci à toi @Franch, c'est généreux de ta part de m'avoir donné l'occas' de sortir de mon statut quo (confortable mais assez lâche) et de l'avoir fait avec bienveillance.
PS 45677 : @Brengere : ton très gentil mot de soutien sur mon post de présentation m'a donné l'envie de m'essayer à ce jeu de débat (malgré l'agacement que je peux susciter). J'ai relu 4 fois ton mot pour me donner du courage ;) Merci.
Par ailleurs, je te rejoins tout à fait sur le fait que c'est compliqué (en particulier pour l'enseignement) quand chacun·e « fait à sauce ». Si les formes d'écriture inclusive veulent gagner en légitimité auprès d'un public large, elles devront certainement passer par une plus grande uniformisation de leurs pratiques.
PS Z : Et un grand merci à @Juliette dont le poème m'a fait me sentir moins seule sur ce site. Sans toi, je n'aurais pas fait l'effort de faire ici un compte rendu détaillé (et j'espère utile) sur cette question. Ca m'a boosté !
(Euh... vu le pavé, je souhaite que vous ne vous mordiez pas les doigts toutes les deux d'avoir été si gentilles ;).
Bon, j'avoue, je n'ai pas tout lu. (rire)
Mais je retire de ton post détaillé, @Daria, que mon opposition concerne principalement la partie typographique, tant pour des raisons de commodité de lecture que de caviardage pur et simple de la manière dont la langue française s'organise. Je ne voudrais juste pas qu'une vague de politiquement correct finisse par imposer cette écriture dans les manuels scolaires, ce serait une grosse erreur, de mon point de vue.
Pour l'invention de pronoms neutres, je ne m'inquiète pas trop. Vu que nous sommes d'accord que l'usage fait la langue, je suis prêt à parier que les "ielle" et autres ne seront toujours pas utilisés en 2120.
Ceci dit, je comprends ce qui sous-tend ta motivation, @Daria . Même si je n'aime pas du tout les moyens employés (typographiques), il est intéressant de voir jusqu'où certaines (pluriel mixte faisant fi de la règle de la primauté masculine) peuvent aller dans leur combat.
Et bien sûr que tu as le droit d'écrire comme tu l'entends ! Il ne manquerait plus que ça que quelqu'un essaie de te l'interdire ! Bon, je ne promets pas que j'arriverai au bout de tous tes posts sans avoir mal aux yeux, mais tant pis pour moi... (rire)
J'avoue, je n'ai pas tout lu, juste en très rapide diagonale et, en fait, je pratique très légèrement, avec mon fils et les enfants avec lesquels je bosse comme AESH. J'alterne, dans les conjugaisons par exemple, une fois sur deux, c'est elle plutôt que il. Quand il faut créer, genre inventer une phrase, j'incite (gentiment) à opter pour un héros féminin... Voilà, c'est marrant, mais sans jamais m'être intéressée plus que ça à la question, je le fais (un tout petit peu), à ma sauce. 🙂
@Daria
Toute mes félicitations, tu viens de battre un record de longueur, j'ai l'impression, pour " ce post qui se veut juste une présentation/définition générale." . Au moins, le débat est posé avec mesure, précision et pondération. Bravo à toi.
Pour les Hommes, on peut dire les humains mais aussi les gens suivant le contexte.
Pour l'usage, (comme je l'ai déjà mentionné) j'ai déjà vu utilisé une fois le masculin, une fois le féminin, au choix, voire au pif, dans le livre : https://micropolitiques.collectifs.net/ de David Vercauteren, Thierry Müller et Olivier Crabbé. Livre majeur pour qui participe à des collectifs non-hiérarchisés.
D'accord, c'est belge, ça compte ? 😜
"C'est une histoire de familiarité : si vous vous retrouvez à lire régulièrement des textes en écriture inclusive, vous allez mémoriser les nouveaux mots". C'est mon cas, cela m'énervait au début et c'est passé.
Et sans parler féminin, masculin, la partie : "Parce que la langue est un outil par lequel nous nous saisissons du monde et de nous-mêmes", c'est extrêmement claire et plus qu'important.
Il y a un argument que j'avais vu passer et auquel tu n'as pas répondu. Ici, on ne parla que des gens, pas des objets, comme quelqu'un le sous-entendait faisant preuve d'une sorte de mauvaise foi. Peut-être est-ce pour ça que tu t'es abstenue ?
Je finirais par l'histoire des enfants. Je reste persuader que c'est l'éducation et l'instruction qui pourront (peut-être) changer le monde.
P.S. : je me suis tapé tout le pavé et ma santé mentale ne se trouve pas chamboulée. 😜
Hello à tou·e·s !
Et merci pour vos réponses :)
@Merlin : je suis ravie si mon message t'a permis de voir que la question typo n'était qu'une petite partie de l'écriture inclusive.
Et pour le reste, c'est bien noté : j'essaierai d'écrire des messages lisibles malgré tout, que tu aies quand même envie de me lire :)
En tout cas, merci pour ce message très sympa malgré notre différent sur cette question, ça m'a touché.
@Juliette : c'est chouette !
Je crois aussi qu'il y a beaucoup de gens qui, comme toi, font des efforts pour sortir des schémas de stéréotypes de genre dans le langage, l'éducation, parce que ça leur semble bien et pas pour appliquer un discours théorique formaté ! De mon point de vue, vous êtes ce qui peut nous arriver de mieux :)
Et puis j'ai appris ce que c'était qu'un·e AESH comme ça ^^.
@Franch : chapeau pour ta lecture jusqu'au bout ! (Et merci).
Et non, bien entendu, les Belges ne comptent pas ! ^^
Je visais pas le record de longueur, promis. En plus, Cyrano, j'ai lu tes derniers posts et je crois que tu as fait mieux depuis :)
Pour le reste, je trouve vraiment bienvenu ton témoignage disant qu'au début ça t'énervait et qu'aujourd'hui c'est plus un souci. Je crois que c'est une expérience qu'on vit tou·te·s. Bref, je te rejoins pour l'habitude et (donc) l'éducation, so wait and see...
A pluch !
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