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Mon dernier texte <3 Un nouveau début de roman, comme les deux autres sont sur la fin... Peur de ressentir le vide une fois qu'ils seront achevés... !
Je suis un rat. Un rebus de la société qui rampe, vole, quémande pour survivre dans les rues de la basse-ville. D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours fait partie de la vermine ; du matin au soir, je guette les passants qui s'aventurent dans les ruelles, prêt à extorquer de quoi me remplir la panse. Parfois, la chance me sourit quand mes mains se referment sur quelques pièces de cuivre qui me valent un repas chaud. L'espoir se glisse alors en moi comme un rêve palpable, me laissant entrevoir cette vie clémante tant espérée. Mais la réalité ressurgit tôt ou tard quand, transi de froid et le ventre aussi vide que mes poches, je foule la terre de mes pieds sales dans une ruelle aux relents putrides.
La faim.
Elle s'installe sournoisement, tiraille votre chaire, vos boyaux, jusqu'à n'en devenir qu'obsession ; le peu de lucidité qu'il vous reste s'échappe, il ne reste alors de vous plus qu'une profonde haine, une hargne féroce prompt à guider vos gestes. Et telle une bête, vous oscillez, poussé par l'instinct, la gueule ouverte, prêt à mordre jusqu'au sang la première main tendue vers vous.
Je suis né un matin de pluie, arraché des entrailles de celle qui m'a porté dans les cris, le sang et la souffrance. Très vite, la vie se chargea de me rappeler que je serais seul ; la première année qui suivit ma naissance, celle qui me mit au monde fut gagnée par la pultrocloque et abandonnée agonisante aux abords de la ville. Depuis des décennies, les charognards, dit-on, viennent s'y nourrir de cadavres et tournoient dans le ciel, tel un funeste cortège, sous les feux des vigies. Dans les années qui suivirent, nul orphelinat ne vint à moi et je fus un premier temps reccueilli par une connaissance de ma défunte mère, qui n'avait que faire de mon existence si ce n'est ce qu'elle pouvait lui rapporter. Ainsi je grandis dans une taverne crasse, La Grenouillarde, située au fin fond de la basse-ville, à servir des ivrognes et écouter les soulards clamer miséricorde à la nuit tombée ; je n'étais qu'un enfant alors, mais bien en âge de comprendre ce que la vie me réservait. Pour autant, je m'estimais heureux : je n'errais pas dans la rue comme ces autres marmots que j'avais vu passer ; j'avais de quoi souper, une tenue certes non des plus riches, mais qui me suffisait. Je me levais le matin, avant les premières lueurs du soleil, et astiquais bancs et tables au milieux d'effluves d'alcool et de vomi. Puis je gagnais les cuisines pour effectuer la plonge avant le service du midi. Certains jours, le vieux Gueillot m'envoyait aussi quérir des victuailles. Ces jours-là, je devais courrir. Il n'était pas question de le décevoir, parce que le regard qu'il me lançait m'arrachait des frissons et que je n'avais qu'une peur : qu'il me mette dehors et que je me retrouve, comme ces marmots en guenilles, à raser les coins de murs.
Après le repas, j'avais souvent du temps à moi. J'en profitais pour me reposer. D'autres fois, je quittais la Grenouillarde pour gagner les beaux quartiers. Je me prenais à rêver d'y habiter un jour, tout en me rappelant ma condition chaque fois que je croisais un passant ; la différence ne tenait pas qu'à l'apparence. J'avais l'air gauche et hagard dans mes habits trop grands. Comme un bêta égaré, un ignorant qui découvrait le monde. L'argent, semblait-il, faisait briller le teint. Il rendait heureux. Et pas une fois je ne croisai un visage qui me sembla triste.
Non, la misère était définitivement le lot de la basse-ville. Et comme je m'en doutais, elle me rattrapa bien assez tôt.
Un soir pluvieux, particulièrement froid, à l'heure où les badeaux se retrouvent autour d'un verre et les soulards urinent au coin de la rue, la taverne resta plongée dans le noir. Pas une lumière ne s'afficha à travers les carreaux ; elle s'était soudain éteinte, comme morte, à l'image de son maître que l'on retrouva plus tard gisant dans une mare de sang. C'est comme ça, dans la basse-ville. La mort rôde. On ne sait jamais où ni quand, juste qu'elle frappe sans prévenir.
Ce jour-là, elle avait accueilli Gueillot sans état d'âme, me plongeant dans une torpeur sans nom. La garde s'était présentée à la porte pour constater le décès : trois coups frappés contre le bois qui sonnèrent le glas d'une existence sans tracas. Je me souviens encore du regard que m'avait lancé le capitaine ce soir-là ; son plastron ruisselait de pluie, et l'air grave, il m'avait fixé comme l'on fixe la vermine, gravant mes traits dans son regard, et moi son visage dans le mien. J'apprendrai plus tard qu'on le surnommait, à raison, X. Mon destin venait de changer à jamais.
- Hey, le rat !
Une main se pose sur mon épaule, je sursaute. Je n'ai pas besoin de voir Guintro pour savoir que lui et ses copains m'ont trouvé. Déjà parce qu'il n'y a que lui pour m'appeler ainsi. Aussi parce que je devine à son odeur de poudre qu'il est encore allé se foutre dans le pétrain.
- Qu'est-ce que tu me veux ? déblatéré-je.
Il n'a amené que quatre de ses acolytes avec lui, je peux m'estimer heureux. D'habitude, ils se déplacent en troupeau. Cet après-midi, ce n'est que le petit comité qui m'accueille.
- Tu sais très bien ce que je veux.
- Toi et tes plans à la con...
Il passe un bras autour de mon cou et m'attire à lui, comme si nous étions amis.
- Tu me dois bien ce petit service, après tout ce que j'ai fait pour toi...
- On était quitte la dernière fois.
Il ressert son étreinte. Je porte les mains à mon cou pour me libérer et gesticule dans tous les sens. L'emprise est telle que je finis par ne plus pouvoir respirer. Dix secondes. Il va bien finir par lâcher ce con. Je tente un coup de coude qu'il évite. L'air vient à manquer. Les poumons me brûlent, ma vision s'assombrit. Vingt secondes.
- C'est que t'as encore de l'énergie, pour quelqu'un qui crève la dalle.
Je devine son sourire carnassier sous ses airs de gentleman, ses yeux émaciés, ses mèches de cheveux blonds et crasseux tomber devant son visage pendant que ses comparses ricanent.
Trente secondes.
Ils sont fous.
Ils sont tous fous !
Une douleur fulgurante m'assome à l'estomac tandis que je m'effondre ; une droite de Guintro, qui finit de m'achever. Une fois à terre, il me repousse du pied et se gargarise de me voir bouffer la poussière, l'air mauvais. Je tente de reprendre mon souffle, rampe pitoyablement. C'est ce qu'il attend de moi, que je me soumette, que je lui obéisse. D'ailleurs ses larbins se gardent bien d'émettre la moindre opposition, trop contents que ce soit sur moi, et non sur eux, qu'il ait jeté son dévolu. Il faudrait être fou pour se mettre Guintro à dos. Mais n'est-ce pas ce que je suis ? Fou ?
Dans une ultime tentative, j'attrape sa jambe, m'agripe à ses vêtements et enfonce mes dents dans sa chair. Un hurlement retentit, un gargarisme hideux qui peine à quitter sa gorge, suivi d'un juron et d'un coup dans les côtes qui cette fois me fige d'effroi. Le goût du sang envahit ma bouche. Guintro se décompose, son visage s'insurge, gagné par la haine. Un nouveau coup fuse, puis ses larbins se lâchent. Violents, ils font naître en moi des larmes qui glissent dans mon cou tant je gémis de douleur. Je finis par me recroqueviller, de peur, mais surtout parce qu'aussi merdique puisse être ma vie, je ne veux pas crever. Au bout d'un certain temps, Guintro finit par se planter à ma hauteur, m'attrape par les cheveux et me tire violemment la tête en arrière.
- Ecoute-moi bien, ducon. Tu vas faire ce que je te demande. Et au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, tu n'as pas vraiment le choix.
Le regard dans le vide, je n'ai plus la force de répliquer. Guintro se relève et je repense sans raison à cette femme qui m'a mise au monde. Cette femme que je n'ai jamais connue, cette femme morte avant même que je puisse me souvenir de son visage. Qu'avait-elle en tête en crevant sans même se soucier du môme qu'elle laissait derrière elle ? Espérait-elle seulement que son fils s'en sorte ?
Un sourire cynique aux lèvres, Guintro apostrophe ses larbins et finit par disparaitre dans les ruelles de la basse-ville. Mon corps me lance. Je ne sens plus mes pieds et c'est à peine si je sens mes mains, mais je suis un rat. Un rebus de la société qui rampe pour survivre. Un rebus de la société qui n'a que faire des ordres et qui se moque de la maladie. Lentement, les yeux fermés, je m'empare de toute cette aversion que je ressens pour l'humanité et la laisse se glisser en moi, m'avaler, m'engloutir. Et lentement, alors que je me sens sombrer dans une abîme sans fond, la douleur s'efface, comme guérie par magie.
Nous aboyons avec des armes dans les gueules.
Des armes blanches et noires,
comme des mots noirs et blancs.
Noirs comme la terreur que vous assumerez,
Blancs comme la virginité que nous assumons.
Nous sommes des chiens!
Et les chiens, quand ils sentent de la compagnie, iIs s'dérangent.
Ils se décolliérisent.
Et posent leurs os comme on pose sa cigarette quand on a quelque chose d'urgent à faire.
...Même et de préférence si l'urgence contient l'idée de vous foutre sur la margoulette
Je n'écris pas comme de Gaulle, ou comme Perse!
Je cause et je gueule comme un chien.
Je suis un chien.
Voilà la trame textuelle du poème chanté d'un grand Monsieur qui m'est spontanément venu à l'esprit, à te lire. (et texte que je connais quasiment par coeur, d'ailleurs.)
Et comme pour @paradox, pas étonnant que ça fasse un effet Whaouh. D'ailleurs, en lecture de scène, rien ce que le fragment de cette séquence ferait un malheur. Sans musique, sans rien, sans décor. Donc, si tu as vocation à faire du théatre un jour avec tes textes lus, face public - ce qui se fait plus souvent qu'on pourrait le croire, sur les petites scènes - bah, je pense que tu tiendras quelque chose de bien, de prenant. Mais bref, plus loin que la structure dédiée au livre, clairement, il y a matière. Merci pour ce partage, Gwen. 🙂
Hiné.
Merci à vous ^^
@Hinenao Pour moi le théâtre est hors de question. Par contre de base je suis chanteuse d'opéra, j'avais posté des liens vers mes concerts il y a fort longtemps dans cette rubrique il me semble ainsi que d'autres textes ^^ Je me sers des mots mais autrement, on peut dire comme ça. Ce texte n'aura pas vocation à être lu à voix haute ;(
Mais ça me redonne couragge car en ce moment je déprime un peu de mes écrits. Je suis fâchée avec ce que je produis que je trouve bof (hormis ce début de roman peut-être). J'ai la fâcheuse tendance à me comparer avec tt le monde et à me trouver nulle :(
citation :
Par contre de base je suis chanteuse d'opéra, j'avais posté des liens vers mes concerts il y a fort longtemps dans cette rubrique
Oh! 😮 C'est vrai ça!! Alors, ça m'intéresse! 😱
Désolé, je vais donc devoir aller fouiller dans l'historique de tes messages ou de ta présentation. N'y vois là aucune curosité pernicieuse, bien au contraire. 😇
(En fait, je suis orienté principalement "graphique", même si j'ai dû faire un choix il y a très longtemps entre Dessin-Peinture, Théâtre et Musique ... tout ça pour finalement faire un métier dans l'intervale qui n'avait rien à voir. Mais absolument rien à voir! 😄 Cependant, vraiment, j'adore toutes les formes d'Arts. C'est vraiment ma base, mon socle dur. Et dans la Musique, le lyrique en fait partie. En fait, il n'y a vraiment que la Danse que je ne pratique que mentalement, en bon spectateur, généralement le cul collé à la chaise ou au strapontin, car si je suis (j'étais) quand-même assez dextre pour la bagarre, en réalité, je bouge sur le dance-floor littéralement comme une enclume. Bref, pas top. 😅 Alors moi non plus, comme toi pour le théâtre, je ne pratique pas "les jolis petits pas". Jamais. 😊
citation :
Je suis fâchée avec ce que je produis que je trouve bof
Question sérieuse, (et pilier stéréotypique du monde de la Littérature):
Jardinière ou architecte?
Bonne soirée. 🙂
Hiné.
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