Le vieux moineau

Le vieux moineau

Cette nuit la, Victor sentit la fin approcher.
Seul, dans son modeste appartement, acheté après 60 longues années de travail à l'usine, Victor s'était toujours refusé d'aller en maison de retraite. Cet endroit ou chaque jours passés nous rappel un peu plus, à quel point une vie humaine peux être éphémère. Victor qui avait encore toute sa tête, rendait visite trois fois par semaine à son amie d'enfance Louise, placée en maison de retraite à la demande de ses enfants, partie l'hiver dernier vers un monde inconnu. Celui vers lequel Victor se dirigeais en ce moment même, allongé sur un lit, aménagé dans son salon, par des infirmières venant lui livrer soins et repas à domicile.

De nature râleur, Victor était encore vif d'esprit à 94 ans, conscient de son état général, qui physiquement ne suivait plus. Et dire qu'il y'a une semaine, il était encore capable d'accéder à la cuisine, pour faire couler un café à ces infirmières, lui rappelant sa jeunesse, cette semaine lui parait désormais lointaine.

Victor réalisa qu'il était tant de faire les comptes, lui qui a toujours vécu seul, sans femmes ni enfants, il s'apprêtait à partir sans laisser de vie, aucune. Il observa un instant autours de lui, cette nuit la était lumineuse, Victor qui avait pour habitude de ne jamais fermer ses volets, remarqua le rayon de lune venant frapper la vieille horloge sur la droite de son téléviseur. Celle ci appartenait à sa mère et indiquait timidement dans la pénombre 2H15.

Juste à coté, une photo de son chien, Lucky, un Golden sablé qui lui tenu compagnie durant 12 ans. La vue de cette photo, lui fit prendre conscience une nouvelle fois que le grand voyage était pour ce soir, celui dont il ne reviendrait pas, à l'aide de machines comme de celle qu'on trouve dans les hôpitaux, qui permettent de flirter avec la mort.

D'une voix rocailleuse et désincarnée, Victor laissa s'échapper ces quelques mots venant caresser le silence qui régnait.

" Lucky mon vieil ami ... "

L'air était tiède pour un moi de Mai à peine entamé, la clarté de la lune laissait présager une belle journée ensoleillée.Victor se demanda s'il aurait une nouvelle fois l'occasion d'apercevoir le jour. La fenêtre exposée plein Est s'y prêtait, et l'idée de partir au moment ou la vie s'éveille l'effleura un court instant. Quand soudainement, une toux sèche et grasse brisa le silence. L'heure tournait étrangement vite, la vieille horloge couleur ocre affichait 3H30.

Victor était un individu discret, qui ne faisait jamais de vagues, aussi bien dans son quartier, que sur son lieux de travail. Solitaire, il avait pour habitude de nourrir les chats errant après la mort de son chien, au pied de son bâtiment, et ce chaque jours quelque-soit le temps. Louise son amie d'enfance habitait à quelques pas de chez lui et travaillait dans la même usine située à 3 bornes. Le quartier peu à peu déserté, suite à la fermeture de cette dernière allait le voir mourir.

6H20, la nuit commençait à s'éclaircir, laissant place à son plus fidèle adversaire, bien décidé à lui emboiter le pas. Victor esquissa un dernier sourire, à peine visible, à la vue de ce nouveau jour, lui permettant ainsi d'accéder au plus grand mystère de l'humanité. Puis, comme par enchantement, à l'instant ou Victor ferma ses yeux définitivement, un moineau vint se poser sur le rebord de sa fenêtre, il n'était désormais plus seul.

Le moineau donna 2 coups de bec contre la vitre, avant de rejoindre une nuée d'autres moineaux, traversant à cet instant, le ciel capucine, entremêlé de teintes framboise.

Victor s'envola.