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- Morceaux choisis extraits de romans
Depuis hier j'ai envie de partager un passage d'un roman qui m'a interpellée. Je n'ai pas su où le mettre alors j'ouvre un nouveau sujet que j'espère vous aurez aussi à coeur de faire vivre avec des extraits de romans qui vous ont touchés pour des raisons diverses ; émotions, lueurs qui feront que vous ne serez pas tout à fait le ou la même après avoir fermé le livre.
" Au cours de sa nuit chez les Webster, il avait envisagé un esprit extirpé du sillon de la logique, libéré du carcan moisi de 4000 ans de pensée humaine. Il avait songé qu'il y aurait peut-être là une solution.
Cet esprit il venait de le rencontrer. Et ça ne suffisait toujours pas. Il manquait un élément auquel il n'avait jamais pensé, non plus que le Comité mondial à Genève. Un élément constitutif de l'être humain que chacun, jusqu'ici, trouvait tout naturel. C'était la pression sociale qui avait assuré la cohésion de la race pendant des millénaires -tout comme la faim avait assuré l'asservissement des fourmis à un schéma immuable de comportement.
L'être humain nécessitait l'approbation de ses semblables au sein d'un compagnonnage. Il éprouvait le besoin presque physiologique de voir validées ses pensées et ses actes. Cette adhésion qui l'empêchait de prendre des tangentes asociales garantissait la sécurité et la solidarité ; elle assurait ainsi le fonctionnement harmonieux de la famille humaine.
Pour l'obtenir des hommes mouraient, ils en sacrifiaient d'autres, ils menaient des vies qu'ils détestaient. Ou ils se retrouvaient seuls, exilés, tels des animaux expulsés de la meute.
Tout cela entrainait des conséquences épouvantables, bien sûr : l'instinct de la foule, la persécution raciale, les atrocités au nom du patriotisme ou de la religion. Mais, dans le même temps, cet instinct assurait la stabilité de la race ; depuis le commencement, il rendait possible l'existence d'une société humaine.
Et Joe en était dépourvu. Joe s'en fichait. Il se fichait de ce qu'on pensait de lui. De l'approbation des autres.
Grant sentait le soleil lui réchauffer le dos, il entendait le murmure du vent qui se promenait dans les arbres au dessus de lui. Dans un bosquet des parages, un oiseau entama son chant.
S'agissait-il donc de la tendance de cette mutation - se dépouiller de l'instinct grégaire qui faisait de l'homme un membre de la race ? Cet individu qui lisait le legs intellectuel de Juwain, avait-il trouvé de par sa mutation, la possibilité d'une vie si bien remplie qu'il pouvait se dispenser de l'approbation de ses semblables ?Avait-il après toutes ces années, atteint le stade de la civilisation où l'homme se montrait indépendant, et dédaigneux de l'artificialité des conventions sociales ? "
in Demain les chiens de Clifford D. Simak
J'ai adoré ces quelques lignes...
Je me permets de remonter ce fil car je pense que ça vaut le coup d'être lu voire relu 💚
« Il est étrange de stigmatiser une branche spécifique d'une espèce non humaine accusée de détruire la biodiversité, alors qu'en la matière le grand coupable n'est autre que l'animal humain.
(..) Au fond, il se peut que la haine des chats soit l'expression d'une jalousie. Pour de nombreux êtres humains, la vie est une souffrance passée sous silence. Torturer d'autres créatures est un soulagement, puisque la torture leur inflige des souffrances plus terribles encore. Supplicier les chats est particulièrement satisfaisant, puisqu'ils sont la satisfaction incarnée. La haine des chats est très souvent la haine que les êtres humains submergés de souffrances ont d'eux-mêmes, et qu'ils retournent contre d'autres créatures parce qu'ils savent qu'elles ne sont pas malheureuses.
Alors que les chats vivent selon leur nature, les humains vont contre la leur. C'est, paradoxalement, leur nature.
Pour de nombreux êtres humains, la civilisation est une sorte de prison. Régis par la peur, sexuellement frustrés et emplis d'une rage qu'ils n'osent exprimer, ces humains ne peuvent qu'être exaspérés par une créature dont la vie consiste à s'affirmer. Supplicier les animaux leur fait oublier la sombre misère dans laquelle ils se traînent à longueur de journée. Les carnavals du Moyen-Age, où les chats étaient brûlés vifs et torturés, étaient des festivités pour dépressifs.
On reproche aux chats leur indifférence manifeste envers ceux qui les choient. Nous leur offrons le couvert et le toit, mais ils ne nous considèrent ni comme leurs propriétaires ni comme leurs maîtres et ne nous offrent rien en retour, si ce n'est leur compagnie. Quand nous les traitons avec respect, ils s'attachent à nous, mais nous ne leur manquons pas quand nous ne serons plus des leurs. Sans notre aide, ils reviennent vite à l'état sauvage. Bien qu'ils se soucient manifestement peu de l'avenir, ils semblent destinés à nous survivre. Après avoir envahi la planète grâce aux navires que les humains utilisaient pour étendre leur territoire, les chats pourraient bien encore être là quand les humains et tous leurs ouvrages auront depuis longtemps disparu de la surface de la Terre. »
Philosophie féline, les chats et le sens de l'existence (John N. Gray)
CHAPITRE 39
Jadis, il y a de cela bien longtemps, le Dr Rhinehart rêva qu'il était un bourdon, un bourdon qui volait en bourdonnant de-ci de-là. Il était heureux, il voulait ce qu'il voulait. Il ne croyait pas qu'il était le Dr Luke Rhinehart, allongé dans un lit auprès de sa magnifique épouse, Lil. Mais il ne savait pas s'il était le Dr Rhinehart qui rêvait qu'il jouait le rôle d'un bourdon, ou un bourdon qui rêvait qu'il était le Dr Rhinehart. Il ne le savait pas, et sa tête bourdonnait. Après quelques minutes, il haussa les épaules: « Je suis peut-être Hubert Humphrey qui rêve qu'il est un bourdon qui rêve qu'il est le Dr Rhinehart. »
Il fit une pause de plusieurs secondes puis il se tourna sur le côté et se blottit contre sa femme. « Quoi qu'il en soit, se dit-il, je me réjouis que, dans ce rêve où je suis le Dr Rhinehart, je me blotis contre une femme et non contre un bourdon. »
L'Homme-dé, Luke Rhinehart
Ce n'est pas extrait d'un roman mais ça fait écho avec mon ressenti du mbti :
"Le patient d'aujourd'hui souffre principalement d'être dans l'incertitude au sujet de ce qu'il devrait croire et de la personne qu'il devrait, ou pourrait être ou devenir, tandis que le patient des premiers temps de la psychanalyse souffrait surtout des inhibitions qui l'empêchaient d'être ce que et qui il pensait savoir être."
Erik Erikson, dans Enfance et société.
Cité par Shoshana Zoboff dans L'âge du capitalisme de la surveillance.
Ah! petit prince, j'ai compris, peu à peu, ainsi, ta petite vie mélancolique. Tu n'avais eu longtemps pour distraction que la douceur des couchers de soleil. J'ai appris ce détail nouveau, le quatrième jour au matin, quand tu m'as dit:
- J'aime bien les couchers de soleil. Allons voir un coucher de soleil...
- Mais il faut attendre...
- Attendre quoi ?
- Attendre que le soleil se couche.
Tu as eu l'air très surpris d'abord, et puis tu as ri de toi-même. Et tu m'as dit:
- Je me crois toujours chez moi !
En effet. Quand il est midi aux États-Unis, le soleil, tout le monde le sait, se couche sur la France. Il suffirait de pouvoir aller en France en une minute pour assister au coucher de soleil. Malheureusement la France est bien trop éloignée. Mais, sur ta si petite planète, il te suffisait de tirer ta chaise de quelques pas. Et tu regardais le crépuscule chaque fois que tu le désirais...
- Un jour, j'ai vu le soleil se coucher quarante-trois fois !
Et un peu plus tard tu ajoutais:
- Tu sais... quand on est tellement triste on aime les couchers de soleil...
- Le jour des quarante-trois fois tu étais donc tellement triste ? Mais le petit prince ne répondit pas.
Antoine de St-Exupery, le petit prince.
@Alcedo Je cherche quelqu'un pour m'expliquer ce que je rate dans le Petit Prince. Son existence m'est très chère, mais, pour être poli, ce livre me passe à côté. Si tu as l'envie, ma messagerie t'attend...
Mondialrelou,
Je ne réponds pas en MP pour deux raisons. La première c'est que je ne te connais pas, je ne connais pas ton parcours, et je ne peux donc pas t'apporter ce que tu attends. La seconde c'est que tu n'es pas le seul à me dire ça sur cette oeuvre et peut être que mon propos peut faire sens à d'autres.
Le petit Prince est pour moi une oeuvre qui s'adresse directement à notre enfant intérieur. Car, malgré le fait que l'on soit plus ou moins adulte, on continue d'évoluer avec les trois enfants en soi (enfant, préado, ado). Le roman peut donc nous renvoyer face à cela. Or, si on n'est coupé de cette part intérieure, ce qui est dit dans de texte ne marche pas.
Il est aussi possible que notre enfant intérieur ne soit pas réceptif à ce message.
Le roman effectue aussi un net renversement entre ce qui est sérieux et ce qui est superflu, dérisoire. Les gens qui prennent la vie (et se prennent souvent) beaucoup au sérieux passeront aussi à côté du truc.
Enfin et là j'élargis encore le propos, cet oeuvre relève pour moi de l'ésotérisme chrétien. Elle délivre un message d'amour et de paix qui dépassent le cadre du dogme. Là aussi on n'est pas forcément réceptif. Certains ont bien besoin d'un mode d'emploi, savoir ce qui est bien ou mal, tout ça, que ce soit clairement défini.
Et il n'y a pas de jugement à avoir sur tout cela. Cela ne renseigne que notre parcours, la voie qu'on suit. Ce qu'on doit expérimenter ici et maintenant. Il n'y a donc aucune stupidité à ressentir par exemple si cela ne parle pas à quelqu'un, car cette oeuvre n'interroge pas notre mental ou notre rationalité. Mais notre émotivité et nos sentiments.
My two cents.
Pour ceux qui ont des freins à la création
"Notre pensée devra tôt ou tard se frayer elle-même les chemins qui la feront sortir de l'impasse. Il s'agit moins de créer que de recouvrer la faculté de créer. Il nous faut forger cette part de liberté, d'audace, de dureté absolue et, pourrait-on dire, d'irresponsabilité, sans laquelle il est guère possible de créer. Il nous faut tout simplement nous habituer à la nouvelle échelle de notre existence. Dès que nous aurons appris à donner forme à notre univers en tenant compte de l'endroit où nous sommes et des moyens dans notre disposons, l'immensité deviendra moins vaste, l'infini prendra forme et les eaux tumultueuse du chaos commenceront à baisser."
Witold Gombrowicz, journal
Oui, pas mal...
Je ne comprends pas la notion de dureté absolue là.🤔 A moins qu'il y ait une image avec la dureté d'une roche?
@Juliette je lirais "dureté absolue" comme volonte de faire, euh non de fer (promos je l'ai pas fait exprès), d'intransigeance dans le suivi de sa ligne.
citation :
- [...] Je suis tombé amoureux d'un personnage de fiction que j'ai moi-même imaginé pour écrire un roman. Je vis avec elle, je voyage avec elle et je vais même me séparer pour elle de ma véritable copine. Et vous dites qu'il n'y a rien de grave ?
Le médecin lui adressa un sourire compatissant.
- Vous comprenez ? J'ai offert mon amour à une illusion !
- Croyez-vous que ceux qu'on aime existent réellement ?
- Est-ce une vraie question ?
- Bien sûr, l'objet de l'amour de la plupart des gens n'existe que dans leur imagination. Ce que l'on aime, ce n'est pas l'homme ou la femme de la réalité, mais celui ou celle qui nait dans notre imaginaire. Les amants réels ne sont que les modèles permettant de créer ceux que l'on rêve. Tôt ou tard, on finit par se rendre compte du fossé qui existe entre l'amour rêvé et son modèle. Quand on parvient à s'habituer à cette différence, on peut continuer à être ensemble, mais quand on échoue, on se sépare, c'est aussi simple que cela. Vous différez en un point avec la majorité des gens : vous n'avez pas besoin de modèle.
- Ce n'est donc pas une pathologie ?
- Simplement dans le sens évoqué par votre petite amie. Vous avez un don pour la création littéraire, vous pouvez choisir de le qualifier de pathologique.
- Mais n'est-ce pas démesuré de laisser l'imagination atteindre cette extrémité ?
- il n'y a rien de démesuré dans l'imagination, particulièrement quand il s'agit d'amour.
- Mais que dois-je faire ? Comment puis-je l'oublier ?
- C'est impossible. Vous ne pouvez pas l'oublier. Il ne servirait à rien d'essayer. Cela produirait au contraire des effets secondaire, et pourrait même déboucher sur de véritables troubles psychiques. Laisser la nature suivre son cours. Encore une fois, ne vous forcez pas à l'oublier, c'est inutile. Mais avec le temps, son influence sur votre vie sera moins grande. En réalité vous êtes chanceux car, qu'elle existe ou non, pouvoir aimer est une chance.
dans La Forêt sombre de Liu Cixin
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