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Morceaux choisis extraits de romans

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Morceaux choisis extraits de romans
777le 26 août 2023 à 17:07

Depuis hier j'ai envie de partager un passage d'un roman qui m'a interpellée. Je n'ai pas su où le mettre alors j'ouvre un nouveau sujet que j'espère vous aurez aussi à coeur de faire vivre avec des extraits de romans qui vous ont touchés pour des raisons diverses ; émotions, lueurs qui feront que vous ne serez pas tout à fait le ou la même après avoir fermé le livre.

" Au cours de sa nuit chez les Webster, il avait envisagé un esprit extirpé du sillon de la logique, libéré du carcan moisi de 4000 ans de pensée humaine. Il avait songé qu'il y aurait peut-être là une solution.
Cet esprit il venait de le rencontrer. Et ça ne suffisait toujours pas. Il manquait un élément auquel il n'avait jamais pensé, non plus que le Comité mondial à Genève. Un élément constitutif de l'être humain que chacun, jusqu'ici, trouvait tout naturel. C'était la pression sociale qui avait assuré la cohésion de la race pendant des millénaires -tout comme la faim avait assuré l'asservissement des fourmis à un schéma immuable de comportement.
L'être humain nécessitait l'approbation de ses semblables au sein d'un compagnonnage. Il éprouvait le besoin presque physiologique de voir validées ses pensées et ses actes. Cette adhésion qui l'empêchait de prendre des tangentes asociales garantissait la sécurité et la solidarité ; elle assurait ainsi le fonctionnement harmonieux de la famille humaine.
Pour l'obtenir des hommes mouraient, ils en sacrifiaient d'autres, ils menaient des vies qu'ils détestaient. Ou ils se retrouvaient seuls, exilés, tels des animaux expulsés de la meute.
Tout cela entrainait des conséquences épouvantables, bien sûr : l'instinct de la foule, la persécution raciale, les atrocités au nom du patriotisme ou de la religion. Mais, dans le même temps, cet instinct assurait la stabilité de la race ; depuis le commencement, il rendait possible l'existence d'une société humaine.
Et Joe en était dépourvu. Joe s'en fichait. Il se fichait de ce qu'on pensait de lui. De l'approbation des autres.
Grant sentait le soleil lui réchauffer le dos, il entendait le murmure du vent qui se promenait dans les arbres au dessus de lui. Dans un bosquet des parages, un oiseau entama son chant.
S'agissait-il donc de la tendance de cette mutation - se dépouiller de l'instinct grégaire qui faisait de l'homme un membre de la race ? Cet individu qui lisait le legs intellectuel de Juwain, avait-il trouvé de par sa mutation, la possibilité d'une vie si bien remplie qu'il pouvait se dispenser de l'approbation de ses semblables ?Avait-il après toutes ces années, atteint le stade de la civilisation où l'homme se montrait indépendant, et dédaigneux de l'artificialité des conventions sociales ? "

in Demain les chiens de Clifford D. Simak

J'ai adoré ces quelques lignes...

Etoilele 09 avril 2024 à 12:25  •   112837

Je me permets de remonter ce fil car je pense que ça vaut le coup d'être lu voire relu 💚

Marvinale 09 avril 2024 à 13:38  •   112844

Merci

Amnestyle 26 mai 2024 à 13:35  •   115125

« Il est étrange de stigmatiser une branche spécifique d'une espèce non humaine accusée de détruire la biodiversité, alors qu'en la matière le grand coupable n'est autre que l'animal humain.

(..) Au fond, il se peut que la haine des chats soit l'expression d'une jalousie. Pour de nombreux êtres humains, la vie est une souffrance passée sous silence. Torturer d'autres créatures est un soulagement, puisque la torture leur inflige des souffrances plus terribles encore. Supplicier les chats est particulièrement satisfaisant, puisqu'ils sont la satisfaction incarnée. La haine des chats est très souvent la haine que les êtres humains submergés de souffrances ont d'eux-mêmes, et qu'ils retournent contre d'autres créatures parce qu'ils savent qu'elles ne sont pas malheureuses.

Alors que les chats vivent selon leur nature, les humains vont contre la leur. C'est, paradoxalement, leur nature.

Pour de nombreux êtres humains, la civilisation est une sorte de prison. Régis par la peur, sexuellement frustrés et emplis d'une rage qu'ils n'osent exprimer, ces humains ne peuvent qu'être exaspérés par une créature dont la vie consiste à s'affirmer. Supplicier les animaux leur fait oublier la sombre misère dans laquelle ils se traînent à longueur de journée. Les carnavals du Moyen-Age, où les chats étaient brûlés vifs et torturés, étaient des festivités pour dépressifs.

On reproche aux chats leur indifférence manifeste envers ceux qui les choient. Nous leur offrons le couvert et le toit, mais ils ne nous considèrent ni comme leurs propriétaires ni comme leurs maîtres et ne nous offrent rien en retour, si ce n'est leur compagnie. Quand nous les traitons avec respect, ils s'attachent à nous, mais nous ne leur manquons pas quand nous ne serons plus des leurs. Sans notre aide, ils reviennent vite à l'état sauvage. Bien qu'ils se soucient manifestement peu de l'avenir, ils semblent destinés à nous survivre. Après avoir envahi la planète grâce aux navires que les humains utilisaient pour étendre leur territoire, les chats pourraient bien encore être là quand les humains et tous leurs ouvrages auront depuis longtemps disparu de la surface de la Terre. »

Philosophie féline, les chats et le sens de l'existence (John N. Gray)

Amnestyle 22 juin 2024 à 16:01  •   116129

CHAPITRE 39

Jadis, il y a de cela bien longtemps, le Dr Rhinehart rêva qu'il était un bourdon, un bourdon qui volait en bourdonnant de-ci de-là. Il était heureux, il voulait ce qu'il voulait. Il ne croyait pas qu'il était le Dr Luke Rhinehart, allongé dans un lit auprès de sa magnifique épouse, Lil. Mais il ne savait pas s'il était le Dr Rhinehart qui rêvait qu'il jouait le rôle d'un bourdon, ou un bourdon qui rêvait qu'il était le Dr Rhinehart. Il ne le savait pas, et sa tête bourdonnait. Après quelques minutes, il haussa les épaules: « Je suis peut-être Hubert Humphrey qui rêve qu'il est un bourdon qui rêve qu'il est le Dr Rhinehart. »

Il fit une pause de plusieurs secondes puis il se tourna sur le côté et se blottit contre sa femme. « Quoi qu'il en soit, se dit-il, je me réjouis que, dans ce rêve où je suis le Dr Rhinehart, je me blotis contre une femme et non contre un bourdon. »

L'Homme-dé, Luke Rhinehart

Myette002le 31 août 2024 à 08:32  •   118977

Ce n'est pas extrait d'un roman mais ça fait écho avec mon ressenti du mbti :
"Le patient d'aujourd'hui souffre principalement d'être dans l'incertitude au sujet de ce qu'il devrait croire et de la personne qu'il devrait, ou pourrait être ou devenir, tandis que le patient des premiers temps de la psychanalyse souffrait surtout des inhibitions qui l'empêchaient d'être ce que et qui il pensait savoir être."
Erik Erikson, dans Enfance et société.
Cité par Shoshana Zoboff dans L'âge du capitalisme de la surveillance.

Alcedole 31 août 2024 à 10:08  •   118980

Ah! petit prince, j'ai compris, peu à peu, ainsi, ta petite vie mélancolique. Tu n'avais eu longtemps pour distraction que la douceur des couchers de soleil. J'ai appris ce détail nouveau, le quatrième jour au matin, quand tu m'as dit:

- J'aime bien les couchers de soleil. Allons voir un coucher de soleil...

- Mais il faut attendre...

- Attendre quoi ?

- Attendre que le soleil se couche.

Tu as eu l'air très surpris d'abord, et puis tu as ri de toi-même. Et tu m'as dit:

- Je me crois toujours chez moi !

En effet. Quand il est midi aux États-Unis, le soleil, tout le monde le sait, se couche sur la France. Il suffirait de pouvoir aller en France en une minute pour assister au coucher de soleil. Malheureusement la France est bien trop éloignée. Mais, sur ta si petite planète, il te suffisait de tirer ta chaise de quelques pas. Et tu regardais le crépuscule chaque fois que tu le désirais...

- Un jour, j'ai vu le soleil se coucher quarante-trois fois !

Et un peu plus tard tu ajoutais:

- Tu sais... quand on est tellement triste on aime les couchers de soleil...

- Le jour des quarante-trois fois tu étais donc tellement triste ? Mais le petit prince ne répondit pas.

Antoine de St-Exupery, le petit prince.

Mondialreloule 17 septembre 2024 à 09:39  •   120282

@Alcedo Je cherche quelqu'un pour m'expliquer ce que je rate dans le Petit Prince. Son existence m'est très chère, mais, pour être poli, ce livre me passe à côté. Si tu as l'envie, ma messagerie t'attend...

Alcedole 17 septembre 2024 à 12:18  •   120288

Mondialrelou,

Je ne réponds pas en MP pour deux raisons. La première c'est que je ne te connais pas, je ne connais pas ton parcours, et je ne peux donc pas t'apporter ce que tu attends. La seconde c'est que tu n'es pas le seul à me dire ça sur cette oeuvre et peut être que mon propos peut faire sens à d'autres.

Le petit Prince est pour moi une oeuvre qui s'adresse directement à notre enfant intérieur. Car, malgré le fait que l'on soit plus ou moins adulte, on continue d'évoluer avec les trois enfants en soi (enfant, préado, ado). Le roman peut donc nous renvoyer face à cela. Or, si on n'est coupé de cette part intérieure, ce qui est dit dans de texte ne marche pas.
Il est aussi possible que notre enfant intérieur ne soit pas réceptif à ce message.
Le roman effectue aussi un net renversement entre ce qui est sérieux et ce qui est superflu, dérisoire. Les gens qui prennent la vie (et se prennent souvent) beaucoup au sérieux passeront aussi à côté du truc.

Enfin et là j'élargis encore le propos, cet oeuvre relève pour moi de l'ésotérisme chrétien. Elle délivre un message d'amour et de paix qui dépassent le cadre du dogme. Là aussi on n'est pas forcément réceptif. Certains ont bien besoin d'un mode d'emploi, savoir ce qui est bien ou mal, tout ça, que ce soit clairement défini.

Et il n'y a pas de jugement à avoir sur tout cela. Cela ne renseigne que notre parcours, la voie qu'on suit. Ce qu'on doit expérimenter ici et maintenant. Il n'y a donc aucune stupidité à ressentir par exemple si cela ne parle pas à quelqu'un, car cette oeuvre n'interroge pas notre mental ou notre rationalité. Mais notre émotivité et nos sentiments.
My two cents.

Mondialreloule 26 septembre 2024 à 09:44  •   120634

Pour ceux qui ont des freins à la création

"Notre pensée devra tôt ou tard se frayer elle-même les chemins qui la feront sortir de l'impasse. Il s'agit moins de créer que de recouvrer la faculté de créer. Il nous faut forger cette part de liberté, d'audace, de dureté absolue et, pourrait-on dire, d'irresponsabilité, sans laquelle il est guère possible de créer. Il nous faut tout simplement nous habituer à la nouvelle échelle de notre existence. Dès que nous aurons appris à donner forme à notre univers en tenant compte de l'endroit où nous sommes et des moyens dans notre disposons, l'immensité deviendra moins vaste, l'infini prendra forme et les eaux tumultueuse du chaos commenceront à baisser."
Witold Gombrowicz, journal

Juliette.le 26 septembre 2024 à 10:54  •   120636

Oui, pas mal...
Je ne comprends pas la notion de dureté absolue là.🤔 A moins qu'il y ait une image avec la dureté d'une roche?

paradoxle 26 septembre 2024 à 11:44  •   120643

@Mondialrelou
voir la vidéo

Et merci pour Gombrowicz.

Mondialreloule 26 septembre 2024 à 13:01  •   120645

@Juliette je lirais "dureté absolue" comme volonte de faire, euh non de fer (promos je l'ai pas fait exprès), d'intransigeance dans le suivi de sa ligne.

Myette003le 29 septembre 2024 à 10:33  •   120826

citation :
- [...] Je suis tombé amoureux d'un personnage de fiction que j'ai moi-même imaginé pour écrire un roman. Je vis avec elle, je voyage avec elle et je vais même me séparer pour elle de ma véritable copine. Et vous dites qu'il n'y a rien de grave ?
Le médecin lui adressa un sourire compatissant.
- Vous comprenez ? J'ai offert mon amour à une illusion !
- Croyez-vous que ceux qu'on aime existent réellement ?
- Est-ce une vraie question ?
- Bien sûr, l'objet de l'amour de la plupart des gens n'existe que dans leur imagination. Ce que l'on aime, ce n'est pas l'homme ou la femme de la réalité, mais celui ou celle qui nait dans notre imaginaire. Les amants réels ne sont que les modèles permettant de créer ceux que l'on rêve. Tôt ou tard, on finit par se rendre compte du fossé qui existe entre l'amour rêvé et son modèle. Quand on parvient à s'habituer à cette différence, on peut continuer à être ensemble, mais quand on échoue, on se sépare, c'est aussi simple que cela. Vous différez en un point avec la majorité des gens : vous n'avez pas besoin de modèle.
- Ce n'est donc pas une pathologie ?
- Simplement dans le sens évoqué par votre petite amie. Vous avez un don pour la création littéraire, vous pouvez choisir de le qualifier de pathologique.
- Mais n'est-ce pas démesuré de laisser l'imagination atteindre cette extrémité ?
- il n'y a rien de démesuré dans l'imagination, particulièrement quand il s'agit d'amour.
- Mais que dois-je faire ? Comment puis-je l'oublier ?
- C'est impossible. Vous ne pouvez pas l'oublier. Il ne servirait à rien d'essayer. Cela produirait au contraire des effets secondaire, et pourrait même déboucher sur de véritables troubles psychiques. Laisser la nature suivre son cours. Encore une fois, ne vous forcez pas à l'oublier, c'est inutile. Mais avec le temps, son influence sur votre vie sera moins grande. En réalité vous êtes chanceux car, qu'elle existe ou non, pouvoir aimer est une chance.

dans La Forêt sombre de Liu Cixin

Myette005le 20 février 2025 à 11:39  •   124673

C'est pas un roman, c'est un extrait d'un livre de Einstein, Comment je vois le monde, mais ça doit pouvoir trouver sa place ici.



citation :
"Toutes les actions et imaginations humaines cherchent à apaiser les besoins des hommes et à calmer leurs douleurs. Refuser cette évidence, c'est s'interdire de comprendre la vie de l'esprit et son progrès. Car éprouver et désirer constituent les impulsions premières de l'être, avant même de considérer la majestueuse création proposée. Quels sont alors les sentiments et les contraintes qui ont amené les hommes à des pensées religieuses et les ont incités à croire au sens le plus fort du terme ? J'observe assez rapidement que les racines de l'idée et de l'expérience religieuse se découvrent multiples. Chez le primitif par exemple, la crainte suscite des représentations religieuses pour pallier l'angoisse de la faim, la peur des animaux sauvages, des maladies, et de la mort. À ce moment de l'histoire de la vie, l'intelligence des relations causales s'avère limitée et l'esprit humain doit s'inventer des êtres plus ou moins à son image. Il reporte sur leur volonté et sur leur puissance les expériences douloureuses et tragiques de son destin. Il pense même se concilier les sentiments de ces êtres par l'exécution de rites ou de sacrifices. Car la mémoire des générations lui fait croire en la puissance propitiatoire du rite pour se concilier ces êtres qu'il a lui-même créés.La religion se vit d'abord comme angoisse. Elle n'est pas inventée mais essentiellement structurée par la caste sacerdotale s'octroyant le rôle d'intermédiaire entre ces êtres redoutables et le peuple, fondant ainsi son hégémonie. Souvent le chef, le monarque, ou une classe privilégiée, selon les éléments de leur puissance et pour sauvegarder leur souveraineté temporelle, s'associent les fonctions sacerdotales. Ou bien entre la caste politique dominante et la classe sacerdotale s'établit une communauté d'intérêts.Les sentiments sociaux constituent la deuxième cause des fantasmes religieux. Car le père, la mère ou le chef d'immenses groupes humains, tous enfin sont faillibles et mortels. Alors la passion du pouvoir, de l'amour et de la forme incite à imaginer un concept moral ou social de Dieu. Dieu-Providence, il préside au destin, il secourt, récompense et punit. Selon l'imaginaire humain, ce Dieu-Providence aime et favorise la tribu, l'humanité, la vie, il console de l'adversité et de l'échec, il protège les âmes des morts. Voilà le sens de la religion vécue selon le concept social ou moral de Dieu. Dans les Saintes Écritures du peuple juif se manifeste clairement ce passage d'une religion-angoisse à une religion-morale. Les religions de tous les peuples civilisés, particulièrement des peuples orientaux, se découvrent fondamentalement morales. Le progrès de l'un à l'autre constitue la vie des peuples. Aussi défions nous du préjugé définissant les religions primitives comme religions d'angoisse et les religions des peuples civilisés comme morales. Toutes les symbioses existent mais la religion-morale prédomine là où la vie sociale atteint un niveau supérieur. Ces deux types de religion traduisent une idée de Dieu par l'imaginaire de l'homme. Seuls des individus particulièrement riches, des communautés particulièrement sublimes s'exercent à dépasser cette expérimentation religieuse. Tous, cependant, peuvent atteindre la religion d'un ultime degré, rarement accessible en pureté totale. J'appelle cela religiosité cosmique et je ne peux en parler facilement puisqu'il s'agit d'une notion très nouvelle et qu'aucun concept d'un Dieu anthropomorphe n'y correspond.L'être éprouve le néant des souhaits et des volontés humaines, découvre l'ordre et la perfection là où le monde de la nature correspond au monde de la pensée. L'être ressent alors son existence individuelle comme une sorte de prison et désire éprouver la totalité de l'Étant comme un tout parfaitement intelligible. Des exemples de cette religion cosmique se remarquent aux premiers moments de l'évolution dans certains psaumes de David ou chez quelques prophètes. À un degré infiniment plus élevé, le bouddhisme organise les données du cosmos que les merveilleux textes de Schopenhaeur nous ont appris à déchiffrer. Or les génies religieux de tous les temps se sont distingués par cette religiosité face au cosmos. Elle ne connaît ni dogme ni Dieu conçus à l'image de l'homme et donc aucune Église n'enseigne la religion cosmique. Nous imaginons aussi que les hérétiques de tous les temps de l'histoire humaine se nourrissaient de cette forme supérieure de la religion. Pourtant, leurs contemporains les suspectaient souvent d'athéisme mais parfois aussi de sainteté. Considérés ainsi, des hommes comme Démocrite, François d'Assise, Spinoza se ressemblent profondément.Comment cette religiosité peut-elle se communiquer d'homme à homme puisqu'elle ne peut aboutir à aucun concept déterminé de Dieu, à aucune théologie ? Pour moi, le rôle le plus important de l'art et de la Science consiste à éveiller ce sentiment dans ceux qui lui sont réceptifs. Nous commençons à concevoir la relation entre la Science et la religion totalement différente de la conception classique. L'interprétation historique présente comme adversaires irréconciliables Science et religion et pour une raison facile à percevoir. Celui qui est convaincu par la loi causale régissant tout événement ne peut absolument pas envisager l'idée d'un être intervenant dans le processus cosmique, pour qu'il raisonne sérieusement sur l'hypothèse de la causalité. Il ne peut trouver un lieu pour un Dieu-angoisse, ni même pour une religion sociale ou morale : il ne peut absolument pas concevoir un Dieu qui récompense et punit puisque l'homme agit selon des lois rigoureuses internes et externes, s'interdisant de rejeter la responsabilité par l'hypothèse-Dieu, tout autant qu'un objet inanimé est irresponsable de ses propres mouvements. Pour cette raison, la Science a été accusée de nuire à la morale. Mais c'est absolument injustifié. Et comme le comportement moral de l'homme se fonde efficacement sur la sympathie et les engagements sociaux, il n'implique nullement une base religieuse. La condition des hommes s'avérerait pitoyable s'ils devaient être domptés par la peur d'un châtiment ou par l'espoir d'une récompense après la mort.Il est donc compréhensible que les Églises aient, de tous temps, combattu la Science et persécuté ses adeptes. Mais je soutiens vigoureusement que la religion cosmique est le mobile le plus puissant et le plus généreux de la recherche scientifique. Seul celui qui peut évaluer les gigantesques efforts et, avant tout, la passion sans lesquels les créations intellectuelles scientifiques novatrices n'existeraient pas, peut évaluer la force du sentiment qui seul a créé un travail absolument détaché de la vie pratique. Quelle confiance profonde en l'intelligibilité de l'architecture du monde et quelle volonté de comprendre, ne serait-ce qu'une parcelle minuscule de l'intelligence se dévoilant dans le monde, devait animer Kepler et Newton pour qu'ils aient pu éclairer les rouages de la mécanique céleste dans un travail solitaire de nombreuses années. Celui qui ne connaît la recherche scientifique que par ses effets pratiques conçoit trop vite et incomplètement la mentalité des hommes qui, entourés de contemporains sceptiques, ont montré les routes aux individus qui pensaient comme eux. Or ils se trouvaient dispersés dans le temps et l'espace. Seul celui qui a voué sa vie à des buts identiques possède une imagination compréhensive de ces hommes, de ce qui les anime, de ce qui leur insuffle la force de conserver leur idéal, malgré d'innombrables échecs. La religiosité cosmique prodigue de telles forces. Un contemporain déclarait, non sans justice, qu'à notre époque installée dans le matérialisme seuls les esprits profondément religieux se reconnaissent dans les savants scrupuleusement honnêtes.La religiosité de la recherche.L'esprit scientifique, puissamment armé en sa méthode, n'existe pas sans la religiosité cosmique. Elle se distingue de la croyance des foules naïves qui envisagent Dieu comme un être dont on espère la mansuétude et dont on redoute la punition - une espèce de sentiment exalté de même nature que les liens du fils avec le père -, comme un être aussi avec qui on établit des rapports personnels, si respectueux soient-ils.Mais le savant, lui, convaincu de la loi de causalité de tout événement, déchiffre l'avenir et le passé soumis aux mêmes règles de nécessité et de déterminisme. La morale ne lui pose pas un problème avec les dieux, mais simplement avec les hommes. Sa religiosité consiste à s'étonner, à s'extasier devant l'harmonie des lois de la nature dévoilant une intelligence si supérieure que toutes les pensées humaines et toute leur ingéniosité ne peuvent révéler, face à elle, que leur néant dérisoire. Ce sentiment développe la règle dominante de sa vie, de son courage, dans la mesure où il surmonte la servitude des plaisirs égoïstes. Indubitablement, ce sentiment se compare à celui qui anima les esprits créateurs religieux dans tous les temps."

J'aime lire ce texte que j'ai découvert il y a 10 ou 12 ans. Un jour, j'ai voulu le citer dans une sorte d'université populaire un peu centrée sur l'esprit critique. J'ai été assez bizarement agressée par deux ou trois de ses "adhérents". Je me souviens encore de cet homme qui m'a regardée de manière glaciale : Einstein est un traitre à la science ! qu'il m'a jeté à la figure. S'il avait pu me cracher dessus, je crois qu'il l'aurait fait.
Ouarf !
Heu.... j'ai regardé mon mari, on a posé nos petites collations sur le bar et on est sortis sur la pointe des pieds...
Et mon mari de me dire : m'en veux pas mais je crois que tes trucs philo, je vais m'en passer. Ils sont chelous.
Ouais... Ben moi aussi je vais m'en passer. Faire 100 bornes aller, 100 bornes retour, payer 40 balles pour ça ! Je peux m'en passer sans problème...


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