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Une conception du monde qui vous a particulièrement marqué(e), une idée ou un concept particulier ? Ou juste parler philosophie ("de la nature/de l'existence" en préférence)...
(N'hésitez pas à m'écrire en MP si vous le souhaitez.)
Pour ma part, c'est Wittgenstein et son "Tractatus Logico-Philosophicus". Il y essaie de faire une esquisse du monde à travers la logique en partant de quelques postulats simples. Je ne comprends pas sa réfutation tardive de celui-ci par son second livre (que je n'ai pas réussi à terminer).
"Wovon man nicht sprechen kann darüber muß man schweigen".
Le néant par sa caractéristique n'existe pas.
Donc tout existe.
"Die Welt ist alles was der Fall ist."
Pourtant, j'ai encore du mal à accepter une conception matérialiste. L'existentialisme (notamment de Sartre ou même de Hegel) semble très empirique, non ? (Nous sommes un tissu de consciences...)
Et si le néant avait été désembaumé de lui-même, par une étincelle, celle de l'Esprit, pour commencer à jouer avec elle, et engendrer, dans un noir et sidéral pacte, aux confins de l'entendement et d'un terrible secret, l'Etre ?
Wittgenstein avait raison, il y a, oui, assurément, des choses que l'on ne peut dire.
Et moi, je crois que j'aime bien Platon, en fait.
Salut.
Un ouvrage qui propose des bonnes clés de compréhension à la philosophie comme mode de vie pratique : P. Hadot - Exercices spirituels et philosophie antique. `
A ce titre, en effet, il me semble que la philosophie n'a pas seulement pour vocation d'offrir des capacités de combat conceptuel pour l'émancipation (E. Husserl). Elle n'a pas seulement pour capacité, pour les êtres humains qui ne sont pas effondrés dans les gouffres ou qui réussissent à en sortir et qui optent pour une "tenue debout", de les équiper d'outils conceptuels pour armer et ré-armer sans cesse l'expérience, pour ouvrir à des formes nouvelles d'humanités (F. Jullien) ; elle est aussi un mode de vie pratique, une praxis, l'opus toujours renouvelé, grâce à l'éveil, chaque matin, d'un regard toujours neuf sur le monde. Elle invite à un travail de retour à soi pour mieux se décentrer et s'ouvrir à l'autre, à la relation, à la philosophie de la relation (E. Glissant) comme ex-istence, comme mode d'être au monde...
Pour introduction, voici la citation mise en exergue par P. Hadot dans son bouquin :
« Prendre son vol chaque jour ! Au moins un moment qui peut être bref, pourvu qu'il soit intense. Chaque jour un « exercice spirituel » - seul-e ou en compagnie d'un homme [ou d'une femme] qui, lui [ou elle] aussi, veut s'améliorer. Exercice spirituel. Sortir de la durée. S'efforcer de dépouiller tes propres passions, les vanités, le prurit de bruit autour de ton nom (qui, de temps à autre, te démange comme un mal chronique). Fuir la médisance. Dépouiller la pitié et la haine. Aimer tous les hommes et femmes libres. S'éterniser en se dépassant.
Cet effort sur soi est nécessaire, cette ambition, juste. Nombreuses.x sont celles et ceux qui s'absorbent entièrement dans la politique militante, la préparation de la révolution sociale. Rares, très rares, ceux et celles qui pour préparer la révolution, veulent s'en rendre dignes. » G. Friedman, La puissance et la sagesse
Bonne soirée,
En effet @abstractio, un très beau programme... Merci!
"Désembaumé de lui-même, par une étincelle", c'est joliment dit...
Le problème, comment faire émerger du néant l'esprit qui va le remplir ???
Pourquoi le monde serait rempli d'un seul esprit et non de plusieurs ? Et pourquoi ce chiffre et pas un autre ?
Quelqu'un aurait une explication à donner ?
Pourquoi seulement 10^80 atomes ?
Personnellement, je ne perçoit pas de formes harmonieuses dans notre univers qui attesteraient d'une perfection ou d'un nombre clé...
Et pourquoi la philosophie devrait se limiter à un nombre restreint de personnes ("vertueuses") ?
Parce qu'un homme à vertu en vaut deux?
(sorry je n'ai pas pu résister) ;)
@ld41 , "42 est la réponse", bien sûr 😄
(moi non plus, je n'ai pas pu résister, vu ton pseudo, la blague peut-être un peu hermétique s'adressant plutôt aux fans de SF)
@Id41, je me pose les mêmes questions. Et je vais, de ce pas, cliquer pour être alertée en cas de réponses sur ce fil... Sait-on jamais?! 😄
Le problème, comment faire émerger du néant l'esprit qui va le remplir ???
La poésie des Noces Originelles, proposée comme image, à rebours des conceptions mécanistes ou des explications physiques 🙂
L'étincelle est engendrée par autocombustion au sein du Néant. Mais Il n'est encore rien. Pour exister, il a besoin du Néant. L'étincelle propose et le Néant accepte. Par jeu, par curiosité, et parce qu'Elle s'ennuie (oui, chers amis de la philosophie, il se trouve que, comme l'origine du monde, le Néant est féminin). L'Esprit est leur enfant. La suite, on la connait 😄
J'avoue que personnellement, j'ai dû mal à concevoir le néant... Il me semble difficile de concevoir ce concept (puisque c'est un concept, le néant, n'est-ce pas ?) comme étant opératoire, fructueux, créateur. Je préfère l'"il-y-a", le souffle océanique, l'écho des montagnes, l'ode de la forêt primaire qui débordent et résonnent...
(...)
@Pacalou s'il y a "étincelle", il n'y a pas néant ? S'il y a "matière noire", il n'y a pas néant ?
@Id41 Tu pourrais en dire plus sur 10^80 atomes ?
Sinon, je trouve qu'il y a chaque jour des merveilles ordinaires à cueillir du regard, à sentir : ces dernières ne nous apparaissent, me semble-t-il que lorsqu'on cesse de découper par concept ("pulsion analytique"). Et qu'on ouvre à la contemplation des choses de l' "entour" dans leur globalité, dans leur intégralité : pour ce faire, je crois que la philosophie comme mode de vie pratique nous offre la possibilité d'une attitude intérieure. Ce n'est que dans cette situation : l'esprit comme situation.
@abstractio : et dans cette situation peux-tu toucher le néant ? Et le tout du coup, puisqu'alors ils ne sont plus concepts, puisqu'alors ils sont l'un et l'autre, l'un et le multiple, le tout et le rien qui nous enveloppent, le méta concept qui donne toute sa substance, l'étincelle à la philosophie, la moelle à la vie ?
Ah ! La contemplation. Beaucoup de mots dans ce seul mot. 😉
Ce qu'il y a d'extraordinaire dans le néant absolu, c'est qu'il est impossible qu'il existe alors que nous existons. Le néant veut dire on éteint tout et rien, même pas l'espace, n'est. C'est un concept formidable qui est la seule solution qu'on peut omettre. Une grande question cependant se pose : le monde est-il fini ou infini. Or le fini est difficilement abordable si on a une conception des parallèles euclidiennes.
Pour ma part, je cherche à écarter le côté ésotérique. Je ne recherche que des concepts qui pouraient faire sens mécaniquement.
J'ai plusieurs hypothèses que je n'arrive pas à choisir pour expliquer le fait que quelque chose est au lieu de ne pas être :
- Un code dimensionnel originel qui varie comme constante dans le temps (avec un possible hapax/singularité statistique qui vire vers l'exponentielle)
- Une création d'un monde en inversé qui serait en fait l'anihilation de la réalité en sens inverse à partir d'un infini. (On serait dans un monde corollaire)
- Dieu d'un multivers infini de Dieu plus puissants les uns des autres (difficilement envisageable car infini)
- L'idée d'une explosion dans un monde "Mobile Ave" (#Matrix) dont la déflagration finit par rejoindre en un point nouveau avant d'exploser à nouveau
- J'aime bien l'idée d'une distance qui se contracte avec l'éloignement. Tous les infinis seraient inclus dans une sphère qui serait définie à partir du point d'observation dont la grandeur serait relative à l'observation (donc sans véritable taille).
- Une hypothèse pas des moindre est que le monde est idiot, un attrape connerie d'un coincoin débile et plouf t'es là, débrouille toi.
- Ou c'est juste qu'il y a un nombre déterminé de consciences ou d'atomes pour une raison X ou Y. Mais laquelle ??? Pourquoi cachée ???
Je voudrais tellement trouver une solution fixe. Mais peut-être que notre monde est quantique et que plusieurs des hypothèses cohabitent avec plusieurs nous...
Voilà quelques idées.
A chacun de choisir son monde peut-être, mais je voudrais tellement savoir quel est le mien !
Avant d'essayer plus tard de proposer qq éléments de réponse, petite précision : je tiens à dire que la perspective de l'esprit comme situation provient d'approches scientifiques et notamment certains chercheurs en sciences cognitives dont la perspective est certes minoritaire ms bien présente.
Oui, au minimum c'est le solipsisme qui ne repose sur aucune matérialité.
Mais la communication et la réplication d'expériences atteste d'une matière (ou d'une distance entre vous et moi au moins) qui réagit selon des lois. A moins que vous n'existiez pas.🥴
Si vous existez comme moi, on peut se mettre d'accord qu'il y a une distance entre nous et donc cet espace est rempli de qqch (à savoir l'énergie/quanta qu'on délimite discretement par la matière/atomes).
Donc le tout spirituel est difficilement concevable, mais ne doit pas être écarté. (Comme par exemple une somme de consciences où la matière sera théorique mais pertinente quand même)
"Et pourquoi la philosophie devrait se limiter à un nombre restreint de personnes ("vertueuses") ?"
Je me permets de déplacer légèrement le questionnement de la façon suivante : La philosophie se restreint-elle à un nombre limité de personnes ? Après, dans cette question, il faudrait déjà s'interroger sur ce qu'il est entendu par "philosophie". Pour y répondre, je trouve qu'il est intéressant d'avoir une définition très large de la philosophie, comme "nourriture de l'âme, de la conscience" ou "ressource existentielle strictement nécessaire à la cognition ainsi qu'à l'homéostasie psychique". De là, on comprend bien que c'est une nécessité, chacun.e devant bien avoir recours à cette ressource à un moment ou un autre de son existence, lorsque, justement, son monde donne l'impression de s'être effondré dans un gouffre, à moins que ce soit le sujet lui-même qui soit dans le gouffre.
Déformé par les cultures des SHS, je suis tenté de faire glisser cette question vers les conditions nécessaires à lémergence dune penser-parler philosophique. Et il me semble, que parmi les défaillances ou les manquements de nos institutions présentes, il manque crucialement la focale sur la nécessité de garantir ces « conditions nécessaires ». Après on pourrait sinterroger sur ce quelles sont, ces conditions nécessaires ?
De sacrées hypothèses, tout ça... Id41... L'idée de "multivers" est la seule qui m'est vraiment familière et celle qui me séduit, étant donné les propositions existantes en sciences physiques qui semblent corroborrer cette perspective de multivers. Quoi qu'il en soit, étant donné que ma focale se consacre davantage sur l'être humain voire l'être vivant, je me sens bien incapable, aujourd'hui, de saisir les différentes hypothèses, ce qu'elles infèrent comme conséquence sur ce qui est, a été et sera.
"Mais laquelle ? Pourquoi cachée ??" Tes questions ouvrent de vastes problématiques et je t'imagine comme celui qui posséderait un grand trousseau de clés, avec un infini de clés et qui cherche, dans ce trousseau, la bonne clé. Alors je me permets de rejouer le jeu d'une tradition antique, énigmatique, à l'instar des oracles, mais bien conscient (de la nécessité) des limites de ce "je" : "le secret de la vie est en soi".
@abstractio
Que dalle ! Le monde est objectif, alors je m'efface. 😉
(Mais oui, ce trousseau de clés est trop grand.)
Pour émettre une telle affirmation Id41 et avec un tel aplomb, une telle certitude : as-tu donc réduit ton trousseau ou trouvé la clé ultime ?
Je te taquine, mais "le monde est objectif" est une bien grande phrase.
Non, justement je voudrais savoir quelle est la bonne clef. Mon idée qui explique notre existence change beaucoup au gré du temps. Alors une solution est d'approfondir jusqu'à ce qu'une contradiction réfute une hypothèse. Mais c'est un puit sans fond. Du coup, c'est le gros doute.
D'approfondir, en expérimentant du coup ?
Un puits sans fond que la quête, éternellement renouvelée par le doute.
Et si le doute est moteur de la vie et non une entrave alors bienvenue en Philosophie.
Dans le terrier du lapin blanc, dans la matrice, etc, dans ce pays lointain qui gît là pourtant sous nos yeux voilés par nos illusions inconscientes, conscientes ou conscientisées elles prennent d'autres formes : des jeux, des mots, des questionnements, ah et donc n'a-t'on pas là révélé le caractère éphémère de la question première du topic ?
Le doute, le gros doute, le doute méthodique oeuvre. Il trouve son cheminement circulant de questions en questions.
De questionnements en questionnements, d'expérimentations en expérimentations, de cheminement en cheminement et oui, aussi d'auteurs en auteurs mais personnellement, ce sera plus de découvertes en découvertes, au sens philosophique du terme et aussi dans tous les sens du terme, même si bien sûr des auteurs et des livres et des Idées ont jalonné et jalonnent mon chemin.
Mais découvrons-nous vraiment des choses extérieures ou bien, en se "découvrant", dé-voilant, ne découvrons-nous pas ... Vous pouvez compléter la phrase à votre guise philosophique.
Que la clé était dans notre poche, là même où l'on ne la cherchait pas ?
Peut-être est-ce de et dans l'art de la question, @Id41, que tu pourras véritablement cheminer dans le profond questionnement que tu portes ? Donc peut-être, repartir avant tout d'une question, comme celle évoquée plus haut, par exemple : le monde est-il fini ou infini ? Et travailler, je suppose, les concepts ? Faut-il parler de "monde", d'"univers", de "multi-vers" ? De mon côté, je suis bien incapable de répondre.
Pour ma part, j'aime bien quand la philosophie aboutit à un savoir (cohérent <- approfondissement)...
J'ai ouvert le sujet pour pouvoir échanger sur nos différentes conceptions du monde ou idées qui nous ouvre des horizons. C'est enrichissant de partager et c'est parfois comme cela qu'on trouve des solutions.
Je viens d'avoir une vision divine... (en fait c'est Solomonoff qui m'y a conduit, LOL)
"Croire en un Esprit permet de vivre dans le bonheur maximisé.
Cet esprit ne s'incarne qu'à travers nos croyances."
Reste plus qu'à conceptualiser cet esprit...
A tester : êtes vous heureux avec votre Dieu ?
@Hatsa
Ton souffle ?
Un souffle terrestre ?
Un souffle sidéral ?
A-t-il une consistance ? Est-il bienveillant ?
Le Souffle est bienveillant.
Sans lui je mourrais, n'est-ce pas.
Il est tout cela. Ne le sens-tu pas ?
Il est beau bon juste et grand.
Et
Il est mien il est tien il est autre
Et en ce chant terrestre il est nôtre.
Bref, un principe moteur de la vie. C'est cela ?
...Et parfois il entre en conflit avec lui-même, oui ?
(J'imagine parfois un blob mécanique planétaire recouvrant toute la terre qui s'est mordu lui-même à l'origine de la vie... 😀 )
Oui, c'est cela.
Euh... Quand on est enrhumés ? (Je taquine 😉 )
Tiens, est-ce une coïncidence ? En lisant cette courte présentation d'une recherche scientifique, j'ai pensé à l'échange ci-dessus. La métaphore filante, peut-être d'à-propos : https://www.ulyces.co/news/la-structure-de-lunivers-ressemble-de-facon-troublante-a-celle-du-cerveau-humain/?fbclid=IwAR3WJioAU8OnqYqt66-PZfpQ-skCbRtM7F2VTb_jNgoDFuOqszoW8dKemHU
La sagesse n'existe pas elle n'est qu'un idéal humain vers lequel peuvent tendre les humains.
Cependant à la fin de la Phénoménologie de l'Esprit de Hegel il y a le Savoir Absolu: "c'est l'apothéose, comme lorsque l'on ouvre une bouteille de Champagne et que toutes les bulles s'empressent de monter dans le goulot" disait Mr de Marquet professeur emmerite spécialiste de Hegel dont j'ai eu la chance de suivre le cours sur la Phéno en licence.
Personnellement ce que j'aime et trouve le plus utile chez Hegel c'est l'auto mouvement dialectique <3 <3 <3
Ahah ! Effectivement Bettina si la Sagesse Humaine existait, le monde serait-il... Ce qu'il est...
C'est vraiment intéressant de vous lire!
Je crois que le philosophe qui m'a le plus marqué est Kant, et notamment son concept "d'insociable sociabilité", à savoir ce paradoxe sur la nature humaine : pourquoi souhaitons nous vivre avec autrui, tout en ne le supportant pas toujours? On ne veut pas être solitaire, on recherche les contacts, les dialogues mais paradoxalement, une fois ensemble, nous cherchons à nous dissocier, à nous singulariser. C'est, chez Kant, une constante de la nature humaine, une force qui nous pousse hors de cet état de nature à un état de culture par la compétition intrinsèque entre nos êtres, qui passe par le développement de la Raison.
Je trouve ce concept absolument révélateur sur l'être humain!
Bonjour,
peut être que la lecture de Cioran, notamment "de l'inconvénient d'être né" apporterait quelques réponses !?...
conformément au principe du rasoir d'Ockham, je choisis sans hésitation ton explication : "Une hypothèse pas des moindre est que le monde est idiot, un attrape connerie d'un coincoin débile et plouf t'es là, débrouille toi."
à la vôtre et carpe diem...
Je plussoie, @Lemurlight. La lecture de Cioran est tout à fait décapante. Je recommanderais également ses Syllogismes de l'Amertume qui avec "de l'inconvénient d'être né" a été l'un de mes livres de chevet :)
@Merlin @Lemurlight "De l'inconvénient d'être né" : tout est dit ! J'ai eu la chance de lire ce monsieur, E. Cioran. A la phrase célèbre et classique de Gramsci : "je tempère le pessimisme de la raison, par l'optimisme de la volonté", Cioran, me semble-t-il, à ce que j'en connais (lecture de deux bouquins : "La chute dans le temps" et "Précis de décomposition"), nourrit davantage le "pessimisme de la raison". A moins que je ne l'ai pas bien lu ?
@Bettina J'ai dû mal avec l'idée que les mots auxquels nous donnons force n'existeraient pas. Il me semble qu'en réalité, il faut parler de "métabolisme des mots", ils affectent et nous affectent, ils nous donnent force et impulsion et inversement (ici, je fais référence rapidement à Spinoza). Les mots, les concepts sont des forces, des outils, des puissances d'agir, par exemple dans le champ politique (qu'une autorité politique dise "confinez-vous" et il y a confinement). Dans ce sens, la sagesse peut donc être une force si l'on souhaite l'incarner.
Quant à Hegel et le "savoir absolu" : il rejoint quelque peu l'expérience du démon de Laplace ds cette notion tout à fait à discuter et discutante. "A la recherche de l'absolu" propose Balzac. Quant à la dialectique, je la suppose tout à fait dépassable, en tout cas dans le cadre de la pensée. Comment ? Je vous pose la question. Bonne soirée
Et d'ailleurs, même si c'est un peu du "hors contexte", je suis tombé sur cette phrase de Cioran dans "La chute dans le temps", avec laquelle j'affirme un certain désaccord : « Le désir de connaître, empreint de perversité et de corruption, plus il nous tient, plus il nous rend incapables de demeurer à l'intérieur de quelque réalité que ce soit. Qui en est possédé agit en profanateur, en traître, en agent de dissolution ; toujours à côté ou en dehors des choses, quand il lui arrive cependant de s'y insinuer, c'est à la manière du ver dans le fruit. »
Lorsqu'on passe du connaître au co-naître, le désir de co-naître me semble le seul désir peut-être tout à fait justifié voire exigé, à partir du moment, ou, bien-entendu, des questionnements d'ordre éthique l'interrogent et l'interpellent, où l'intelligence ne se réduit pas à découper, mais à élargir le panorama...
@abstractio
c'est le propre de Cioran, de susciter un désaccord à priori, ses phrases sont à relire plusieurs fois, ouvrant parfois vers des profondeurs infinies, et plus réalistes que pessimistes !
Sans doute. Mais dans cet extrait, il me semble plutôt que Cioran s'empêtre dans des contradictions. La fameuse "cage d'acier", autre image pour parler du pessimisme de la raison, dans laquelle l'intellect s'effondre sur lui-même, tombe dans le gouffre, à force de ne point trouver d'accroche au Réel. Or, c'est totalement dénigré l'idée que la co-naissance est un moyen de mettre de l'ordre, d'organiser l'information et de s'orienter plus justement dans un monde qu'il est possible parfois de percevoir comme un chaos-monde. Bref, il me semble que les mots de Cioran, dont je fais ici le procès sans me souvenir du contexte, me semblent assez proche du point de vue de l'"enfant gâté" comme on dit si mal, un "sachant", un "sujet connaissant" qui dénigrait un plat de connaissances, vu qu'il dispose de choix pour "dépenser son temps de cerveau disponible". A la limite, la seule chose avec laquelle je peux éventuellement m'accorder, c'est l'expression de "désir de"... Et on peut ainsi faire un procès au Désir, essayer d'arracher le scalp d'une anthropologie du désir... Y'a pas mal d'écrit là-dessus.
Si je ne lis pas Cioran, cela montre-t-il que je suis encore un enfant gâté ? 😉
@Persephone84 Bourdieu propose une autre façon de percevoir cette "insociable sociabilité", à travers son travail sur la Distinction et sa proposition me semble d'autant plus éloquente. Nos goûts, ce sont avant tout des dégoûts, c'est le dégoût du goût des autres. Et ainsi, la meilleure façon de nous faire nous exprimer sur nos goûts, c'est de nous faire parler sur ce qui nous dégoûte. Parlons... papier toilette au moment du confinement ? ahah
@Lemurlight
EMOTIONS AVANT LOGIQUE PARCE QUE PLUS VALORISANTES
(L'un n'empêche pas l'autre, mais l'autre l'empêche.)
...et c'est ce qui fait toute la beauté de l'humain.
Le monde est beau !
Merci V pour Vrai
ld41
tout à fait ! C'est ce qui fait la profondeur de la pensée de Cioran, il ne cherche pas à expliquer le monde, il en pointe les excès , les incohérences, les absurdités avec non pas du pessimisme mais beaucoup d'humanité... vouloir expliquer un monde absurde est vain, commençons par le rendre plus humain... l'explication viendra alors peut-être !
merci pour ton post !
L'émotion c'est l'existence, car rien n'existe sans émotion.
"Tout est question d'émotions et de respect entre émotions.
La physique c'est les émotions brutes de la matière."
"La vie est une odeur qu'on ajoute à un bouquet de parfums."
C'est pas parfais encore, faut que j'y travaille.
Un monde absurde ? Sans doute peut-il y avoir des situations ubuesques ou absurdes, par exemple lorsqu'un ancien gouverneur (La Star ou le Messi(e) de la Finance, celui qui fait danser les marchés mondiaux) de la banque centrale américaine doit dire (devant le Sénat américain qui demande des comptes) que la crise de 2008 a prouvé que son idéologie était fausse ou lorsqu'un président dit qu'il va devoir se réinventer (précisant ainsi sans le dire qu'il était totalement dans l'erreur auparavant), etc.
Mais selon moi, les "absurdités" sont loin d'être constitutives du monde social. Peut-être est-ce dû à ma posture, disons de là où je parle. Et que moi-même, je peux être habité par la "pulsion du rationnel", d'une certaine remise en ordre. Mais lorsqu'on étudie le monde social, ce qui le construit, le déconstruit, le justifie, distribue les pertes et profits, fait courber l'échine des un-e-s ou arrondir les ventres des autres, il me semble qu'en réalité, on se voit étonné par sa limpidité, sa cohérence, ses supports théoriques et idéologiques, sa construction d'une doxa, d'un principe "hegemon"... Et de l'impératif, non pas de le considérer comme absurde, mais comme rationnel ... pour essayer d'en sortir ?
Alors, de l'humanité... Mais qu'est-ce que cela veut dire ? L'humanité de la pensée complexe, réflexive (Cortex) ou l'humanité grégaire de la volonté d'activer son circuit de récompense (manger, se reproduire, dominer) (Striatum) ?
(désolé d'être ce petit caillou dans la chaussure)
@abstractio
Cela dépend avec quels postulats de départ tu pars pour comprendre la société.
Mais oui, c'est pas si aléatoire.
Il y a beaucoup d'ordre dans le monde. Mais la perfection, difficile à la voir... et comment expliquer cette imperfection ?
Les postulats vont dépendre, généralement, des sujets, des objets d'études, des situations et des échelles d'études considérées. Mais merci de cette question. Alors s'il fallait me risquer d'en énoncer un (postulat, c'est un peu fort). Je parlerai plus d'invariants de la méthode d'étude des mondes sociaux (c'est très fort aussi).
J'arrive à en énoncer un, ce soir, à savoir l'objectif de visibiliser ce qui est a priori invisible (depuis Platon, tout en cassant la hiérarchie entre sachants et non sachants), et ceci, à un grand nombre de niveaux, en particulier dans ce qui est l'oeuvre et la puissance du symbolique (voir l'hypothèse forte de Darwin dans "La filiation de l'homme" à ce que j'en comprends) qui est probablement un élément constitutif et commun des êtres vivants, lorsqu'ils énactent leur monde, lorsqu'ils habitent de leur intelligence incarnée leur "umwelt" (entour) : pour ce qui est de l'humain , cela peut être le choix des mots, des places, le rôle et la place des objets, leurs conceptions, leurs devenirs, l'espace donné aux non-humains,etc. D'ailleurs, je pense que je n'invente rien et que l'on retrouve ça chez une grande partie des auteurs occidentaux qui ont laissé quelques traces (que je choisis arbitrairement), comme Machiavel, Spinoza, Marx, ou Bourdieu. Mais on peut reprendre ainsi ce que je soutiens plus haut, à savoir : comment derrière quelque chose qui semble tout à fait désordonné ou absurde il se cache en réalité des gestes, des pensées, des stratégies de domination intériorisées, automatisées...
Le symbolique me parait limité face a un monde qui dégage une forte matérialité d'un réel. On n'a jamais eu la once d'une vérité commune à tous sur des phénomènes paranormaux. L'existence est d'un ennui ! Difficile d'y voir une explication. Le symbole serait plutôt la conséquence de l'organisation matérielle du monde et non son moteur.
Attention, au sens où j'utilise le concept de "Symbolique", il est complètement matérialiste, il est de la matière en soi (c'est pourquoi je faisais référence au travail de Darwin dans La filiation de l'homme, son ouvrage bcp moins connu, mais tout aussi important que l'Origine des espèces), il se concrétise matériellement dans certaines formes d'évolution biologique du monde animal (regardons l'oiseau paradis ou le poisson pierre, par exemple). Et au stade actuel de ma compréhension, le Symbolique s'ouvre et est ce par quoi une fonction a priori oeuvrant de manière efficace dans le cadre de la "sélection naturelle" se transforme, se métamorphose pour gagner en efficacité dans le processus de "selection sexuelle", tout en dissimulant, par là même, la perte d'efficacité que cette métamorphose génère dans le cadre de "sélection naturelle"... Je sais pas si je suis clair.
@Hatsa 😄 Oui je te rejoins entièrement à ce propos, mais autant en rire je dirais puisqu'il n'y a rien d'autre à faire pour le moment...
@Persephone84 j'aime aussi beaucoup ce concept kantien qui résume très bien le paradoxe humain. A fortiori il me semble également applicable à l'humanité comme espèce qui se positionne historiquement bien plus dans la différenciation quasiment à tout prix sauf lorsque la similitude lui est utile.
@abstractio il ne s'agit pas tant des mots en tant que tels en l'occurrence mais plutôt de concepts abstraits versus ceux faisant référence à une objectivité (objet) empirique: le confinement est un concept applicable en acte, la sagesse serait il me semble une forme d'universel absolu en termes conceptuel: on ne peut pas dire soyez "sages" dans ce sens du terme et l'appliquer car toute définition est limitative et donc exclusive c'est la nature des concepts qui selon moi ne peuvent être des fins à proprement parler mais plutôt du domaine "méta conceptuel". L'Amour de la Sagesse: tendre vers qui s'oppose au sophisme.
Quant à dépasser la dialectique hegelienne pourquoi pas? Mais à quoi cela servirait-il ? L'auto-mouvement dialectique hegelien a une cohérence et une fluidité intrinsèque rare dans l'histoire de la pensée... C'est plutôt du domaine de la logique et dans ce cas on pourrait dire qu'il est possible de "dépasser" le syllogisme de manière formelle mais pareil: à quoi ça sert en soi ? Décomposer les mouvements de pensée systématiques par la forme ne me semble en tout cas pas très constructif puisque cela ne questionne en rien leur cohérence initiale. La dialectique hegelienne intègre en elle même un phénomène d'auto dépassement...
@Hatsa @Bettina @Persephone84
Dans une relation il y a forcément le nombre 2, de l'un et de l'autre, qui est une relative opposition à soi-même. C'est grâce à la conscience qu'on arrive éventuellement à faire 1 ensemble. Et ce 1 définit une unanimité qui peut donner une norme commune. Cependant à 7Md d'individu ? Une norme fixe et indiscutable est-elle possible ? Dictature de la majorité ?
Oui, la dialectique est qqch de fantastique qui permet d'intégrer l'autre dans sa propre réflexion en opposant soi-même et anti-soi-même.
@Id41 "Symbolique = spécifique ?" J'imagine que, quand tu écris "spécifique", tu fais référence à l'espèce comme "taxon", dans une tendance à catégoriser, à différencier, par exemple ce qui est de l'ordre de l'épigénétique, de ce qui est de l'ordre de la phylogénétique. Il faudrait que tu en dises plus sur ce que tu entends par "spécifique".
Mais cependant, partir de la catégorie du "symbolique", pour l'heure, telle que je l'intègre dans ma compréhension du monde est davantage une catégorie commune, non pas une essence. Comme une espèce de pulsion ontologique du vivant à dépasser ce qui est de l'ordre du vital (subsistance, reproduction) pour déployer une certaine vie "politique", esthétique, quelque chose comme une capacité d'être pleinement en vie... J'essaie d'être le plus clair tout en "claudiquant".
@Bettina Merci pour ces précisions. Je comprends cette idée du méta-conceptuel. Est-ce si sûr de pouvoir discerner une certaine différence (de degré, donc ?), entre ce qui serait de l'ordre du conceptuel "abstrait" face à ce qui serait d'une "objectivité (objet) empirique" ? Je m'interroge car à l'origine même du geste de la création du "concept" qu'on situe historiquement, dans la pensée occidentale, au moment du glissement initié par Socrate dans les écrits de Platon, me semble-t-il à savoir : cette personne a été vaillante (situation contextuelle). Mais qu'est-ce que la vaillance ? (montée en abstraction "universelle") Tout concept s'abstrait, mais est a priori à tendance universelle.
Et donc, il me semble que la différence que tu fais est d'abord non pas liée au spectre d'application (ou non) du concept dans le cadre politique, mais plutôt de qui prononce la parole : en gros, qui parle ? Si demain, une fourmi dit "confinement pour tous les français". RIEN (sauf si les fourmis ont capté le pouvoir sur les humains). Par contre, si le président français dit : "service philosophique obligatoire de 4h par semaine pour tou-t-e-s citoyen-n-e-s" et que sa voix porte (légitimité). La parole devient réalité. De mon point de vue (en cela je suis matérialiste et suit Spinoza, je pense), les mots sont puissance d'agir. Tout dépend qui les écoute et les porte. Qu'en penses-tu ?
Sinon, sortir de la dialectique, cela revient à ne plus croire à certains concepts, à cesser d'y croire et à cesser de leur donner force, à cesser de s'inscrire dans ce qui devrait être et à vraiment être : Ego, Inconscient/Conscient, Attachement/détachement, blessure psychologique/bonheur "néoténique", etc.
Je crois que c'est assez radical, mais ça me semble intéressant. Il semble que la pensée se construit en réaction. Alors est-il possible de sortir de cette réaction ? Oui, peut-être par la sensitivité ?
Bonne soirée
@Id41 Le symbolique, je suppose que le symbolique doit sans doute être de l'Ordre, ou plutôt de l'empire : Imperium ? Emprise, captation et libération ? L'auto-dépassement de soi comme devenir ? Bon, mais là, je laisse divaguer ma raison.
Nietzsche vraiment recommandé (les gens le lisent-ils comme moi ???), Montaigne sinon.
Au 5ème degré, bref un invitation amicale de l'auteur à faire mourir son propre ego.
Moi, je suis assez branché psycho, la philo me donne de la matière à exploiter en ce sens. Donc je prends un peu partout sans vraiment appronfondir.
C'est pour ça que mon approche psychologique préférée est de loin ce qui a été traduit par analyse existencielle, la "dasein analyse", littérallement l' "analyse de la présence" lancée par Biswanger. Irvin Yalom en est un de ces grands représentants. En plus de ses bouquins sur le sujet (thérapie existencielle, entre autres), il écrit de magnifique roman mêlant philo et psycho : et Niezsche a pleuré
Suite :
Mensonge sur le divan, apprendre à mourir (la méthode Schopenauher), etc,...
J'ai oublié, l'approche psychologique de Biswanger est basé sur les thèses de Heiddeger, beaucoup moins de Sartre qui reste en surface, voire galvaude l'existencialisme allemand.
J'ai gardé le meilleur pour la fin. Puisque vous n'avez pas peur des tirades ici, en voici une.
Pour moi la philo doit servir au concret, ne doit pas rester de la spéculation, ça me fatigue pour pas grand chose, à force. J'en parlais avec la psycho.
Mais mon philosophe préféré, on y vient, c'est un médecin généraliste.
Georg Groddeck est fils de médecin prussien qui avait fait sa thèse de médecine sur la démocratie et qui aurait influencé Nietzsche. Il y vilipendait la marchandisation de la médecine.
Sa mère était la fille du premier historien de la littérature germanique. Ses frères et surs meurent tous de maladies. En voyant sa sur malade récoltée toutes les attentions, il comprend que la faiblesse peut être une force.
Il réchappe d'une infection et en fera une base de son roman 'Le chercheur d'âme', où le héros est frappé de révélations pendant une scarlatine. Il y a du Goethe et du Rabelais dans ses écrits. Du Nietzche, du Spinoza, Ubu. (premier roman psychanalytique)
Il finit ses études de médecine mais déclarera plus tard que ce n'est pas à la fac qu'il a appris son métier. Il devient l'assistant de Schwenigger, médecin réputé qui soigna Bismark, "le seul à l'avoir fait plier" selon ses proches. Il avait une approche autoritaire de la thérapie et ordonnait à ses patients de guérir. Si Groddeck a remis en cause ceci pour une approche maternaliste, il n'a jamais remis en doute que c'est le patient qu'il faut soigner, pas la maladie. C'est le patient, la nature qui guérit, le médecin soigne. C'est son premier ouvrage médical, 'Nasamecu, natura sanae, medica cura' (de tête ~ ).
Et puis il ouvre un sanatorium à Baden-Baden, 15 lits, propre. Il y découvre un fait étrange, quand une patiente, saine d'esprit comme tout ses patients, voit une certaine couleur, elle fait des rechutes. Alors il teste et le mot même de cette couleur la fait rechuter. Il décida plutôt d'utiliser ça pour aider à guérir, évidemment.
Il développe ainsi les débuts de la psychosomatique moderne de façon totalement empirique. Sauf que pour lui, psyché et soma ne sont que deux façons de voir la même chose, un monisme absolu. Puis il découvre Freud et trouve de nombreuses similitudes avec son expérience. Il correspondera avec lui jusqu'à sa mort : 'Ça et moi, coorespondance Freud/Groddeck'. Il lui tire son chapeau pour avoir mis des mots sur 'transfert', 'dipe', 'résistance'.
Pourtant, Georg Walter n'avala pas que revienne à Sigmund la parternité de la découverte de la puissance de l'inconscient et de ses conséquences. Il en fit un goître. Une fois analysé, le goître disparu. Et sa jalousie avec.
Mais s'ils restaient proches, le fossé ontologique entre eux est indépassable. Ferencsi, lui aussi prenant du recul avec Freud, s'est fait soigner chez Groddeck, ainsi que Lou Salomé (qui ne l'aimait pas beaucoup).
Il s'est un jour présenté à un congrès de l'association de psychanalyse comme 'analyste sauvage', accompagné d'une femme alors qu'il n'est pas marié, houuu !!!
Je suis hyper content, tout ça je l'ai fait de tête, pas mal.
Mais c'est loin d'être fini, attention, ça c'est juste la mise en bouche. Quand je vous disais que je suis fan. Je vais vous en dire plus en copiant un texte que j'ai construit sur Groddeck. Je dis construit parce que les trois quart des phrases ne sont pas de moi, c'est un collage à partir d'une dizaine d'auteurs (medecin, psy (surtout l'anti-psychiatrie : Gentis, Maud Mannoni). C'était un texte écrit pour un personnage dans un roman, il faut l'imaginer de plus en plus exalté, content qu'on le laisse se lâcher sur son idole.
Georg Walter Groddeck
Début vingtième. Petit-fils maternel du premier historien de la littérature allemande et fils de médecin critiquant le commerce de la médecine.
Romancier, critique d'art, acteur social, psychothérapeute et surtout médecin généraliste, appelé « le guérisseur » par les gens de Baden-Baden, vulgarisateur de sa médecine (diète, hydrothérapie, massages) et de son approche psycho-analytique du corps, Groddeck a dédié sa vie à la santé de ses patients dans son sanatorium. Plus proche de Spinoza que de Freud, précurseur d'un Deleuze, il nous balance des évidences qu'on s'empresse d'oublier tant elles sont insoutenables à force de toucher juste.
Il fut le premier dans l'histoire de la médecine moderne à utiliser des méthodes psychologiques pour le traitement des affections organiques et fonctionnelles, et cela avec un étonnant succès. Les sempiternelles controverses sur l'unité de l'âme et du corps et les problèmes du "parallélisme psycho-physique" trouvaient leur solution dans son expérience quotidienne avec ses patients. Et comme chaque cas faisait réapparaître la vérité de cette découverte selon des voies plus ou moins tortueuses et inattendues, il se mit à élaborer cette vision de la vie que nous offrent ses écrits. Tendres, fantasques ou choquants, ils renferment la plus étrange de toutes les philosophies psychologiques : le Ça. Instance indivisible présente dès la conception, le moi némergeant quà la troisième année.
« C'est grave que l'expression "corps et âme" se soit répandue dans l'humanité ». Le corps et l'esprit ne sont pas deux entités séparées et, tout comme l'inconscient, la conscience, la forme du nez, la démarche ou la maladie, ils sont une forme d'expression du Ça, qui est plus fort que nous. Ce n'est pas nous qui vivons, « nous sommes vécu par le Ça ». Expression délibérément floue empruntée à Nietzsche, reprise immédiatement et réduite à la pulsion par Freud.
Toute maladie physique est une maladie psychique et inversement. La maladie organique est un des multiples modes d'existence, une manifestation de vie, elle sert à résoudre un conflit intime. Elle a un sens, elle est le signe de son rapport au monde et à soi, elle est une solution, problématique il est vrai, aux conflits qui ponctuent notre existence, elle permet de se sentir mieux que lon ne pourrait sans elle. Elle est un moyen d'occulter ce qui, en nous, nous dépasse : le monstrueux, la folie, l'inhumain.
Il incombe au médecin non pas de guérir mais de soigner, c'est-à-dire de créer en collaboration avec le malade les conditions de la santé pour réactiver le désir du processus de guérison. Il allait jusqu'à crée des coopératives d'achat alimentaires et immobilières pour ses patients indigents (qui existent toujours). Croire que la santé peut s'acheter est une illusion. Jadis déjà, la médecine mécaniste la réduisait à un problème technique et à un secteur de marché.
Groddeck, lui, redonne à la maladie sa dimension existentielle, une manière d'être au monde qu'on peut influencer favorablement si on parvient à en comprendre la signification. La maladie du corps, en ouvrant sur les aspects cachés de l'être, constitue le mode d'accès par excellence à la connaissance de soi. Elle est un langage, une forme d'expression, un chemin par lequel on retrouve en soi l'enfance et la violence de ses passions. Et comme toute autre forme de création, elle est nécessaire au maintien de la santé ou à la survie d'un être.
Il est clair quécrire, peindre, faire de la musique, offre à la violence du Ça un plus agréable lieu de visibilité. Et si la croyance en le libre arbitre est pour l'humain une condition de vie qui nous est imposée par le Ça, luvre d'art démasque cette croyance et par là, libère.
La maladie est certes une création, mais c'est une uvre d'art ratée, monstrueuse, car elle emprisonne l'être humain dans ses contradictions et son ambivalence. Pourtant, « il vaut mieux une bonne grippe qu'un mauvais roman ». En même temps que se soigner sérieusement, ou accepter de se faire aider, nous devons accueillir la maladie qui est un processus de guérison et l'interpréter comme on interprète un rêve, avec le courage d'explorer ses gouffres intérieurs.
Le grand avantage du malade organique, c'est qu'il a toute sa tête pour chercher ce que Ça lui raconte, tout en sachant que sa conscience tentera de refuser de comprendre, c'est parfois très lourd à accepter et c'est pour ça qu'on le transforme en maladie. Demandez-vous à quoi vous pensiez, ce que vous venez de voir ou dentendre au moment d'ne brûlure à l'estomac, d'une torsion de cheville ou du lâcher d'une tasse sur le sol, et laissez vous aller aux associations. Faut sentraîner, ça devient un jeu qui fait du bien. Qu'est-ce que vos maux vous empêchent de faire ? Ou vous permettent ? La faiblesse peut être une force. Mais attention ! le Ça ignore tout de la logique linguistique. 'J'en ai plein le dos' pour un mal de dos, ça marche pas. Un calcul rénal ne sinterprète pas comme un mauvais "calcul" stratégique, il signale par une évacuation douloureuse que le Ça désire connaître le plaisir de laccouchement. Tout dans la symbolique.
Ce patapsychanalyste semble avoir fait de linconvenance son bistouri favori, engageant chacun à se livrer au chapelet prodigieux de lassociation didées, à rompre les frontières, fouiller lintime, culbuter, perdre pied, bref sabandonner à la frénésie des analogies, des images et des métaphores.
La poursuite de la santé est indissociable dune éthique fondée sur le plaisir et notre Ça n'a aucune notion du bien et du mal. Groddeck opère une déconstruction de la maladie afin que chacun puisse se reconstruire autour de symboles qui sont, mieux que tout jugement moral, un point d'ancrage autour duquel l'être humain peut combiner ses composantes infantiles et adultes, masculines et féminines, folles et raisonnables, humaines et inhumaines, autour duquel il peut opérer une intégration à soi et se constituer sans le support de la maladie, qui n'a plus de sens.
C'est par un usage adéquat de la parole, véhicule de symboles, révélation de soi, qu'il a opéré des changements et, par là, amené ses patients à guérir, ce qui est apparu comme la pire des subversions à l'ordre médical et psychanalytique qui, à l'époque, bien entendu, n'a pas reconnu son efficacité thérapeutique.
Notre inconscient ne sait pas si on est un homme ou une femme, la bisexualité est une réalité intrinsèque de l'être humain et sera une des bases de sa thérapie décrite comme "matrocentriste". Cette positivité du féminin fit bondir bien des gens.
Se déprendre de ces masques, c'est renouer avec l'enfant que l'on porte en soit, retomber dans l'enfantin est le but ultime de la vie, la trame de tout ce qui nous permet dêtre créateur du monde et de nous-même.
Il oppose à l'homme dipien le pervers polymorphe. La génitalité n'est pas le centre de la libido.
Ses écrits nous apprennent la sensibilité du médecin autant que du patient. Le praticien doit traiter le malade, pas la maladie. La notion de médecin na rien a voir avec le diplôme, « est médecin toute personne a qui quelquun demande de laide ».
Son uvre exclut tout dogmatisme, laisse libre cours à l'imagination et n'est, d'un certain point de vue, qu'une fantaisie, mais ce n'est pas une fantaisie intellectuelle, elle ne cherche pas tant à prouver une théorie quà nous faire découvrir sa pratique, qu'à éveiller chez les autres ce pouvoir de perception qu'il a découvert en lui-même.
Clown désinvolte, fossoyeur illuminé, il renoue, par limaginaire, la part de folie et denfance que chacun a en soi. Son impertinence joyeuse captive et son style gaillard engage à la vigueur, dévoile le merveilleux de la vie. Il mêle la passion conquérante de Don Quichotte, les mots de Freud qui larrangent, l'imagination de Bachelard, le naturalisme de Goethe, la verve de Rabelais et l'humour d'Ubu.
Il vitupérait contre les adultes qui se prennent pour des adultes, il raillait la spéculation immobilière, fustigeait le pouvoir de la famille et de létat, outrageait le monothéisme, a dû fuir l'Allemagne nazie et voulait donner une corde à cette vieille Europe pour quelle se pende. Il ne concevait pas un progrès politique et social qui ne soit un retour à la nature et à l'érotisme, lidée de labolition de la prostitution outrepasse les limites du ridicule, les lois contre lhomosexualité sont les plus absurdes de tous les temps, les mères devraient apprendre à leurs fils à faire correctement l'amour aux femmes, son premier journal s'appelait "SATANARIUM"
Ouvrages
- Écrits de jeunesse (ce volume comprend Un problème de femme (essai, 1903) et Le Pasteur de Langewiesche (nouvelle, 1909)). Ivrea, Paris, 1992.
- Nasamecu (la nature guérit, le médecin soigne, 1913). Aubier-Montaigne, Paris, 1980.
- Conférences psychanalytiques à lusage des malades (prononcées chaque semaine à son sanatorium du 16 août 1916 au 20 mars 1918). Champ libre, Paris, Volume 1, 1978. Volume 2, 1979. Volume 3, 1981.
- Le Chercheur dâme (le premier roman psychanalytique, 1921). Gallimard, Paris, 1982.
- Le Livre du Ça (lettres fictives à une amie, 1923) : Gallimard, 1963.
- LÊtre humain comme symbole (symbolisme et étymologie, 1933). Gérard Lobivici, Paris, 1991.
Correspondances
- Ferenczi, G. Groddeck, Correspondance (19211933). Payot, Paris, 1975.
- Ça et moi (correspondance avec Freud et autres textes, 1917- 1925). Gallimard, 1977.
Autres
- La Maladie, lart et le symbole (traitements psychiques des affections organiques, philosophie médicale, critiques analytiques littéraires et picturales (1910- 1933). Gallimard, 1985.
- Le double sexe de lêtre Humain in Bisexualité et différence des sexes. Gallimard , 1973.
Sur Groddeck
- Roger Lewinter, Groddeck et le royaume millénaire de Jérôme Bosch, essai sur le paradis en psychanalyse. Champ Libre, 1974.
- C. et S. Grossman, Lanalyste sauvage Georg Groddeck. PUF, Persepectives Critiques, 1978.
- Revue LArc N°78, Georg Groddeck : 1° trimestre 1980.
- Michèle Lalive d'Épinay, Groddeck ou l'art de déconcerter. Ed. Universitaires, Paris, 1983.
- Jacquy Chemouni, Georg Groddeck, psychanalyste de limaginaire. Payot, 1984.
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